Naissance du Collectif des créatrices de bandes dessinées contre le sexisme
Marre des sujets d’articles ou de conférences du genre « ces filles qui font de la BD » ? Outrés devant les collections de livres réservées aux auteurEs ? Choqués que tout le monde assimile créatrice de BD avec blogueuse futile/maman béate/illustratrice jeunesse? Vous avez bien raison, et la naissance du Collectif des créatrices de bandes dessinées contre le sexisme devrait vous intéresser.
« Nous avons toutes vu notre travail rabaissé à notre sexe dans le milieu de la bande dessinée. » C’est ainsi que le collectif résume une des principales motivations à se constituer, dans un milieu du 9e art qui a bien du mal à se défaire d’une misogynie ancestrale. Tout commence avec les témoignages recueillis par Lisa Mandel, en préparation d’une conférence mémorable au Festival d’Angoulême intitulée malignement « Les hommes et la BD ». Puis vient la discussion entre Julie Maroh et le Centre belge de la bande dessinée, qui souhaitait organiser une exposition sur la BD pour filles et par des filles, reléguant les créatrices à des phénomènes de mode marketing. Les réactions des auteures ne se font pas attendre et une centaine d’entre elles lancent ce nouveau collectif, dont Marion Montaigne, Chloé Cruchaudet, Pénélope Bagieu, Marguerite Aboute, Nine Antico, Florence Cestac, Jeanne Puchol, Anouk Ricard ou Catherine Meurisse. « Ce collectif de femmes est nécessaire car notre travail et notre identité sont encore et toujours biaisés par des stéréotypes de genre. Par la rédaction et la diffusion de notre charte nous voulons dénoncer les aspects du sexisme dans l’industrie littéraire où nous évoluons, tout en énonçant des méthodes pour le combattre. »
Cette charge comporte plusieurs points très clairs et percutants, qui renvoient chacun à ses préjugés et raccourcis. « Puisque ‘la bande dessinée masculine’ n’a jamais été attestée ni délimitée, il est rabaissant pour les femmes auteures d’être particularisées comme créant une ‘bande dessinée féminine’.« , assène le premier point. Avant de souligner – c’est évident, mais sans doute pas pour tout le monde – que « la ‘bande dessinée féminine’ n’est pas un genre narratif ». Et de rejeter la misogyne appellation « girly » et la création de collections de BD féminines.
Parmi les pistes pour sortir de ce schéma discriminatoire, le collectif énonce notamment :
« Nous attendons des créateurs, éditeurs, institutions, libraires, bibliothécaires et journalistes qu’ils prennent la pleine mesure de leur responsabilité morale dans la diffusion de supports narratifs à caractère sexiste et en général discriminatoire (homophobe, transphobe, raciste, etc). Nous espérons les voir promouvoir une littérature qui s’émancipe des modèles idéologiques basant les personnalités et actions des personnages sur des stéréotypes sexués.
Nous encourageons les libraires et les bibliothécaires à ne pas séparer les livres faits par des femmes ou soi-disant adressés aux filles lorsqu’ils organisent leurs étalages. Le fait que des héroïnes soient plus présentes et actives que les personnages masculins ne veut pas dire que les garçons et les hommes ne peuvent pas s’y identifier et en aimer le récit. »
Enfin, pour étayer ce cri de colère et d’exaspération, le site du collectif reproduit de nombreux et éclairants témoignages d’auteures, qui évoquent le regard des autres (hommes le plus souvent) sur leur profession, le résultat de leur travail ou leurs choix artistiques. Un terrible panorama de la misogynie généralisée, contre laquelle il est plus que temps de lutter.
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