Nancy Peña ou l’imagination à fond les ballons
Ses univers sont forts et fantaisistes – voire débridés. Nappés de poésie, ils emmènent le lecteur au fil d’une douce rêverie, souvent exotique. Nancy Peña, 30 ans, est l’auteure du très beau Chat du kimono, auquel elle donne une suite avec Tea Party. L’histoire d’un pari autour du meilleur thé possible, tenu à l’époque victorienne. La jeune femme publie aussi avec le jeune dessinateur virtuose Gabriel Schemoul Mamohtobo, un magnifique album onirique qui suit des marins en Sibérie, à la découverte de défenses de mammouths prises dans les glaces. Tandis que la fiancée de l’un de ces intrépides aventuriers voit sa future robe de mariée se tacher de sang en suivant un dessin intrigant…
Comment est née l’idée de Mamohtobo?
Grâce à un reportage vu sur Arte il y a six ou sept ans, autour d’une expédition en Sibérie, sur la disparition des mammouths et leur emprisonnement dans la glace. J’avais donc cela en tête depuis fort longtemps. J’y ai ajouté mon attirance pour les légendes scandinaves et indiennes. C’est ainsi que je fonctionne pour chaque album, les scénarios prennent forment quand plusieurs idées s’assemblent entre elles, à l’instinct. Une seule ne suffit pas.
Comment travaillez-vous?
Je ne construis rien de manière raisonnée, je ne prends pas de notes sur mes sujets. Habituellement, je ne fais pas de découpage, j’ai fait une exception parce que je travaillais avec un dessinateur. Je pense beaucoup à un fil conducteur très général, puis j’attaque directement. Ce mode de fonctionnement peut effrayer les éditeurs! Mais j’aime les histoires mouvantes, autonomes en quelque sorte, qui me surprennent. Je réussis toujours à retomber sur mes pattes. Je cherche à faire rêver le lecteur, à lui donner envie de relire le livre pour y trouver à chaque fois de nouvelles choses.
D’où vient votre goût pour les contes et légendes?
Mes parents m’en racontaient beaucoup. Ma mère me lisait les contes de Perrault et Grimm, et mon père distillait la mythologie gréco-romaine. La robe de mariée sanglante de Mamohtobo, tout comme le kimono abritant un chat dans Le Chat du kimono, viennent de la robe couleur de temps de Peau d’âne, qui me fascinait quand j’étais petite.
Pourquoi n’avoir pas réalisé Mamohtobo toute seule ?
J’ai collaboré avec un dessinateur pour la première fois. Gabriel Schemoul m’avait contactée il y a deux ans pour me demander si je ne voulais pas lui écrire un scénario. Ses origines russes m’ont fait penser à cette idée de mammouths en Sibérie, qui traînait dans un coin de ma tête. J’avais essayé de la dessiner seule, mais sans succès. Mon imagination était parasitée par Le Réducteur de vitesse de Christophe Blain, dont l’univers est proche.
Comment avez-vous fonctionné avec Gabriel Schemoul?
J’ai dû découper l’histoire pour tranquilliser Joann Sfar, directeur de la collection Bayou, et Thierry Laroche, l’éditeur. Mais Gabriel s’est senti un peu seul et bridé, je pense qu’il a été frustré par cette façon de faire. De mon côté, j’ai eu du mal à travailler à deux, j’aime bien tout contrôler.
Avec Tea Party (image à droite), vous donnez une fausse suite au Chat du kimono…
Je me sentais vraiment bien avec ces personnages, j’avais envie de les retrouver. Et puis l’époque victorienne me convient bien. J’ai croisé l’histoire du Chat avec une autre autour d’un conseiller culinaire. J’ai beaucoup d’autres concepts en stock, mais je n’ai pas le temps de les mettre en images. Je travaille à mi-temps comme prof près de Besançon. J’aimerais toutefois adapter un recueil d’histoires courtes fantastiques écrites par mon père. Et donner une suite à Tea Party…
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Mamohtobo
Par Gabriel Schemoul et Nancy Peña.
Gallimard/Bayou, 16 €, le 19 mars 2009.
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Tea Party
Par Nancy Peña.
La boîte à bulles, 17 €, janvier 2009.
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Images © Gabriel Schemoul-Nancy Peña / Gallimard, 2009.
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Bien contente que vous ayez parlé de cette dessinatrice dont les albums sont magnifiques (enfin, je trouve).
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Bien contente que vous ayez parlé de cette dessinatrice dont les albums sont magnifiques (enfin, je trouve).
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