Natsumi Aida, « Switch Girl » en chair et en os !
Natsumi Aida fait partie des auteurs phare du catalogue des éditions Akata/Delcourt. C’est d’ailleurs Switch Girl !! qui est actuellement la série shôjo la plus vendue en France. Nous avons rencontré une mangaka sur son 31, prête à nous parler de de son parcours, de ses influences et des thématiques abordées dans ses mangas (mais pas à se laisser prendre en photo).
Quel a été votre parcours pour devenir mangaka ?
J’écris et je dessiné depuis que je suis enfant. J’ai toujours rêvé de pouvoir faire ce métier, mais j’ai énormément hésité… Mais à partir du moment où j’ai constaté que le travail dans un bureau ne m’intéressait pas, je me suis lancée dans le carrière de mangaka. Maintenant, je ne le regrette pas du tout !
Y-a-t-il eu des œuvres ou des mangakas qui vous ont plus influencé que d’autres ?
Oui, s’il y a un manga que je devrais retenir, ce serait clairement Dragon Ball d’Akira Toriyama. Il y a également les œuvres d’Ichijô Yukari [inédites en France – ndlr] que je lis depuis très longtemps. C’est une auteure que j’admire beaucoup.
Vous semblez tout à fait à l’aise dans le milieu du manga. Et pourtant, vous écrivez dans le volume 2 de Switch Girl !! que vous n’aimez pas dessiner. Pourquoi ?
À une époque, j’étais très frustrée car je n’arrivais pas à dessiner ce que je voulais comme je le souhaitais. C’était une période où je me sentais vraiment impuissante… Il a toujours été clair que ce qui me plaît le plus, c’est d’écrire des histoires et les raconter aux lecteurs. Seulement, je dessine car c’est un bon moyen pour raconter une histoire et c’est aussi ce que j’aime lire.
Depuis le début de votre carrière, vous avez créé des histoires drôles mais également des titres plus sérieux. Quel genre d’histoire préférez-vous écrire ?
Franchement, ce que je préfère, ce sont les histoires plus sérieuses et profondes comme C.L.A.S.S.. Mais écrire Switch Girl !! est très agréable, ça détend, c’est amusant et c’est une expérience qui me plaît.
Vous dites dans C.L.A.S.S. que mangaka est considéré comme un métier dévalorisant. En France, nous n’avons pas du tout ce point de vue sur les auteurs de BD…
Quand j’étais assistante, j’avais un peu honte, je ne savais pas vraiment comment me positionner car c’est un statut peu reconnu et méprisé… En revanche, une fois qu’on arrive à en faire son métier et à en vivre convenablement, ça va mieux et ce n’est plus un problème perceptible.
Dans vos mangas, vous parlez de valeurs, de la nature humaine ou des relations aux autres… Selon vous, quel est le rôle du mangaka, de l’artiste dans la société ?
Quand on s’attarde trop sur un message ou une mission précise, on risque vraiment de devenir lourd ou peu agréable à lire. J’ai envie d’écrire pour détendre les gens, pour les faire rire ! Mais, c’est vrai, et je suis contente que les lecteurs français aient vu le fond de mes mangas. Je pense qu’il y a différentes manières de percevoir une œuvre. Je respecte les deux façons de voir car je construis mes œuvres pour qu’elles aient plusieurs niveaux de lecture.
Vous vous proclamez otaku et vous l’assumez pleinement. Est-ce encore mal perçu au Japon ? Qu’est-ce qui vous plaît dans cet univers ?
Au Japon, le mot « otaku » est rentré dans le langage courant. Tout le monde le connaît et on l’utilise avec beaucoup moins de connotations qu’avant. Par conséquent, s’affirmer otaku est désormais bien plus facile ! Sinon, la raison pour laquelle j’aime le manga et l’animation est assez floue. C’est un univers qui me parle beaucoup, comme le rock ou la mode parlent à d’autres !
Quel est votre point de vue sur le manga numérique et le téléchargement illégal ?
Aujourd’hui, on ne peut plus ignorer le téléchargement. C’est vrai pour le manga, mais aussi et surtout pour la musique et les films. Je suis totalement contre le téléchargement illégal car ce n’est pas du tout bon pour la création. Cela risque de faire disparaître les artistes qui gagnent leur vie en vendant leurs œuvres. La réponse est l’offre légale, c’est certain. Par contre, je trouve que le manga, tout comme l’univers du livre est fort et n’est pas prêt d’être écrasé par ça ! Personnellement, je suis très attaché au support papier et je dessine en pensant aux lecteurs qui tiennent le livre en main et tournent les pages. Mes œuvres sont donc élaborées pour ce support et c’est pour cela qu’elles ne sont pas encore disponibles en numérique.
Avec Switch Girl !! vous mettez en avant la « face cachée » des femmes. Est-ce juste pour l’humour ou pour casser un tabou social ?
En société, on se montre sous un certain jour, souvent différent de ce que l’on est vraiment. Je souhaitais révéler ce « secret » et interroger les filles sur ce qu’elles sont. Je voulais également partager ce côté de ma personnalité. Il faut dire que c’était aussi un questionnement très personnel : je voulais savoir si j’étais la seule à me comporter comme ça !
Votre manga est au Japon un véritable phénomène de société. À l’image d’ « Otomen », le terme « Switch Girl » est même rentré dans le langage courant. Comment expliquez-vous ce succès ?
Je pense tout simplement que les gens se sont reconnus dans les personnages que j’ai créés. On a tous un côté que l’on cache et qu’on a un peu peur de montrer aux autres. Switch Girl !! a peut-être permis aux lecteurs de se rendre compte que ce qu’ils font en rentrant chez eux n’est finalement pas si différent de ce que font les autres.
En effet, en le lisant, on se rend compte de l’universalité des situations. Comment avez-vous fait pour décrire si habilement la vie de cette jeune femme ?
Je ne fais que raconter ma vie dans cette série. À vrai dire, je suis moi-même étonnée qu’il y ait autant de femmes qui se reconnaissent en lisant les aventures de mon héroïne. Je pense que cela m’a permis de m’assumer et de me rapprocher des gens.
Vous le dites en le détournant constamment, mais vous êtes économe et écologiste…
J’ai toujours été contre le gaspillage et j’ai toujours pris soin de toutes mes affaires. Depuis que je suis tout petite, on m’a appris ça. Ce sont des valeurs importantes. Par exemple, j’use beaucoup de papier dans mon métier… Mais j’utilise toujours les feuilles des deux côtés. Si je fais un brouillon d’un côté, je ferai un dessin de l’autre.
Quel a été l’impact de la catastrophe du 11 mars 2011 (rapidement évoquée dans le volume 16 de Switch Girl !!) sur votre métier ?
Je pense que cela a approfondi ma conscience professionnelle. J’ai reçu beaucoup de lettres de femmes qui ont vécu la catastrophe et qui me disaient que mes mangas les détendaient, qu’ils leur permettaient de penser à autre chose et de s’évader de leur quotidien. Je me suis sentie utile, investie d’une sorte de mission. Je n’ai pas la volonté d’écrire un manga sur le tsunami et ses conséquences, mais je vais continuer à produire des œuvres qui permettront aux lecteurs de rire et de se détendre !
Propos recueillis par Rémi I.
Merci à Natsumi Aida, Marie Ebersolt (traductrice), Maud Beaumont (attachée de presse), Bruno Pham & Dominique Véret (Akata) et à l’équipe de Japan Expo.
© SWITCH GIRL!! © 2006 by Natsumi Aida / SHUEISHA Inc.
© KAKUMEI KYOSHITSU © 2006 by Natsumi Aida / Shueisha Inc.
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Switch Girl!!
17 volumes parus sur 19 (série en cours au Japon).
Akata/Delcourt, 6,99 €.
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juillet 2, 2015
Marem KharaJadore je voudrais pouvoir lui parler comme cela.
Quelle reve jai tellement de chose a lui demander.
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