Negalyod
Dans ce monde, il y a le désert et la ville. Dans le premier, les dinosaures sont nombreux, sauvages ou domestiqués. Dans la seconde, il y a le haut (inaccessible au commun des mortels) et le bas, poussiéreux et miséreux. Dans ce monde en perpétuelle pénurie d’eau, un réseau informatique et déshumanisé impose sa loi, inique et violente. Qui se cache derrière ? Et quel est son objectif ultime ? Le naïf berger Jarri va tenter le découvrir, en rejoignant – un peu forcé – un groupe de résistants mystiques…
On ne l’attendait pas forcément là, mais ce virage artistique fait sens. Vincent Perriot, dessinateur de Belleville Story et auteur de l’épatant polar Paci, se lance ici dans une récit fleuve de science-fiction, qui lorgne du côté des années Métal hurlant, Druillet et Moebius en ligne de mire. Mais avec un ton aérien, poétique parfois, sombre aussi mais pas torturé, qui est propre à un artiste qui porte un regard lucide sur une Terre en perdition. La première chose qui frappe ici, surtout de la part d’un jeune auteur de 34 ans, c’est le classicisme assumé de l’histoire. Les fondations de Negalyod sont en effet très familières dans l’univers de la SF : une dictature mystérieuse, sorte de divinité cachée sous de la technologie ; un monde à l’environnement dévasté par la main de l’homme ; une ville verticale ; un héros idéaliste confronté à l’âpre réalité de la révolution armée… Mais de ce terreau qu’on sait fertile dans le genre, Vincent Perriot parvient à faire éclore une fable envoûtante et étonnante, dopée par des scènes d’action à couper le souffle. La présence des dinosaures dans une ambiance western est d’une inspiration géniale. L’usage de matériaux tels que la terre, le fer, le bois, pour une architecture d’influence africaine ou orientale, et des costumes et vaisseaux à chercher plutôt en Océanie, est malin et original. Et le découpage si dynamique – beaucoup de grandes cases de formats variés, de la panoramique très plate à la verticale étroite, en passant par de grands carrés ou des pleines pages – permet de captiver très vite et de ne jamais ennuyer, d’autant que le texte se fait plutôt parcimonieux. Par son trait léché et ses planches aux détails par milliers, Vincent Perriot se hisse au niveau des maîtres du dessin et sa mise en scène ne souffre pas d’une tentation de la belle illustration, bien au contraire. C’est par le dessin qu’est née son histoire, raconte-t-il, et c’est par le dessin qu’il nous y emmène. Sans aucun doute la marque d’un grand auteur, pour un des livres incontournables de 2018.
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Des critiques toujours aussi sympathiques et claires.
Bodoï, mon site de BD préféré. Merci pour votre boulot !
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