Par Sandrine Revel et Marzena Sowa. Dupuis, 20,50€, septembre 2012.

Marzena Sowa n’en finit pas de revisiter la Pologne soviétique. Après Marzi — une bande dessinée très réussie et autobiographique, racontant son enfance dans la Pologne des années 1980 —, elle quitte le domaine de l’intime pour s’intéresser à l’époque de Staline.

L’atmosphère est pesante. Chacun peut être soupçonné de tout, à tout moment. Et chacun compose entre ses petits secrets et l’image idéale qu’il veut donner en public. Aux enfants, la vérité échappe plus facilement. Le petit Viktor ose ainsi embrasser sa camarade Agata lors de la projection d’un documentaire à la gloire du camarade Staline. La gamine hurle et l’institutrice, outrée, envoie Viktor dans le bureau du directeur. Ce dernier cuisine l’enfant et le manipule pour faire tomber son père, soupçonné de sympathie pour l’Ouest…

Le graphisme un peu rétro de Sandrine Revel (Sorcellerie et dépendances) donne un aspect enfantin à ses personnages, comme une métaphore de l’innocent visage que tous tentaient alors de présenter publiquement. Loin de l’éclatant réalisme soviétique, les teintes jaunies rappellent plutôt des temps lointains. Cette douceur globale crée un décalage avec le scénario très dur de Marzena Sowa, et peut parfois déconcerter. Plutôt réussi, l’ensemble n’évite toutefois pas la comparaison avec Marzi — et ne parvient pas à recréer le profond sentiment d’attachement que l’on éprouvait pour la jeune héroine.

Dans le dossier accompagnant la BD, la sensibilité de la scénariste transparaît davantage. Elle y explique sa démarche, et sa façon de faire découvrir son pays à l’illustratrice Sandrine Revel. L’émotion qui manque parfois à la lecture de l’album revient alors instantanément. L’auteure n’est jamais aussi brillante que lorsqu’elle exprime le lien fort et douloureux qui la lie à la Pologne.

Mélanie Monroy

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