Nemo : cœur de glace
Janni Dakkar, fille du célèbre capitaine Nemo, se languit de la piraterie ordinaire. Revancharde, elle veut se prouver des choses tout comme à son père. Pour réussir là où lui a échoué, elle relance une expédition en Antarctique avec une fine équipe. Mais Kane, dangereux magnat de la presse, mandate trois aventuriers chargés de les abattre. Avant le froid polaire, direction la Mégapatagonie, peuplée de types à tête d’animal qui parlent français à l’envers…
Dans Nemo : cœur de glace, course-poursuite piégeuse, le duo Moore/O’Neill délaisse les errances des membres de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires pour se recentrer sur une aventure polaire punchy, au scénario linéaire mais efficace. Plutôt rare ces derniers temps avec le scénariste anglais, qui nous avait habitués à distiller ses obsessions et délires dans des narrations tortueuses et pompeuses.
Dans ce one-shot entre Jules Verne et H.P. Lovecraft, on suit un personnage féminin fort, l’ambitieuse et sensible Janni Dakkar, écrasée par l’héritage de son défunt père et en quête « d’une aventure grandiose et pure ». Mystérieuses cités perdues, distorsions de l’espace-temps, dangers mortels, phénomènes magnétiques, créatures bizarroïdes, Alan Moore multiplie en effet les trouvailles pour bâtir un univers singulier mais, grande nouveauté, libéré de ses lourdeurs agaçantes et dopé par une action prenante. Et même si les inter-champs textuels, références ou clins d’œil sont encore nombreux, Moore exploite les codes du récit d’aventure pour aérer le propos. Au dessin, O’Neill reste égal à lui-même : expressif, anguleux, à l’aise dans la peinture contrastée de paysages grandioses. Pas le nouveau chef-d’œuvre d’Alan Moore, certes, mais plutôt la promesse d’un renouveau. Dense et complexe en restant parfaitement lisible, Nemo se fait l’écho d’une épure retrouvée. On s’en réjouit.
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