Nestor & Polux, ou le dilemme du yaourt aux fruits
Être ou ne pas être ? Fromage ou dessert ? Non, la question existentielle du moment est bien: framboise ou pruneau ? Les personnages Nestor et Polux ont choisi, ils préfèrent le yaourt à la framboise et exècrent celui au pruneau. Mais dans leur monde un peu fou (qui n’est pas si éloigné du nôtre), ils ne peuvent pas toujours choisir. Un Dieu aigri et triangulaire les force à avaler l’infâme substance mauve, pour mieux profiter du délicieux yaourt framboise le jour suivant. Créée dans feu le magazine Pif (dernière formule), la série Nestor & Polux revient sous la forme d’une belle intégrale aux éditions Onapratut en décembre. Dès cette semaine, et pendant un mois, BoDoï (en partenariat avec Manolosanctis) vous propose de découvrir en avant-première et en exclusivité quatre épisodes de ce feuilleton qui, sous ses allures de BD jeunesse, offre des digressions philosophiques loufoques sur la condition humaine. Et, pour mieux vous présenter le projet, rien de tel que de donner la parole aux scénaristes Fabrice Tarrin et Fred Neidhart, et au dessinateur O‘Groj.
Quelle est la genèse de Nestor & Polux ?
Fabrice Tarrin: J’étais chez Fred Neidhart, et lui ai proposé de manger un yaourt. Or il ne restait qu’un seul bon yaourt aux fruits. L’idée est née comme ça, on s’est vite mis d’accord sur le goût pruneaux pour désigner le mauvais, qui tant par sa couleur que par sa texture avait tout pour être répulsif.
Fred Neidhart: On voulait des personnages qui nous ressemblent. Pour paraphraser Flaubert, Nestor, c’est moi, le râleur frustré, jamais content de son sort, qui prend de haut son entourage; Polux, c’est Olivier, le gentil abruti gaffeur ; Fabrice, c’est Dieu, du moins celui de la BD, qui croit tirer les ficelles mais qui se révèle aussi naze que les deux premiers.
F.T.: Nous voulions résumer la vie humaine à un minimum d’éléments. Le Bien (la framboise), le Mal (le pruneau) et au milieu un Dieu un peu loser. Très vite, une logique interne s’est installée dans ce monde un peu fou.
L’envie de parodier Adam et Eve est-elle venue tout de suite ?
F.N.: Notre volonté était d’insuffler des traits de caractères humains à nos personnages. Dans la mesure où Dieu a créé l’homme à son image, nous sommes allés chercher l’origine de l’humanité, c’est-à-dire le péché originel, à partir de quoi tout a commencé pour les hommes. Transposer cet événement nous évitait de tomber dans le fictionnel et donnait plus d’épaisseur psychologique aux personnages. Soit Nestor/Adam/le raisonneur manipulé, qui subit les gaffes de Polux/Ève, et Polux/Ève/le naïf jouisseur qui croque dans la pomme/framboise interdite.
Quelles substances avez-vous prises pour inventer cet univers parfois franchement barré?
F.T.: Je dois avouer que nous avons un peu fumé pour trouver des idées…
F.N.: En général, nous nous en sommes tenus aux substances licites. Sauf pour certaines séquences (par exemple quand les personnages se transforment en Pifises) où on était coincés, on a dû se contraindre à fumer de la drogue pour décoincer la situation et pouvoir rebondir de façon inattendue. C’est un bon moyen, à n’utiliser que dans le cadre d’un travail précis.
Vous avez opté pour un graphisme plutôt enfantin…
F.N.: Pour le design des animaux, on est partis d’une série que j’avais publiée dans Spirou, Placide et Hutch (titre qui m’avait été soufflé par le génial Charlie Schlingo), elle-même inspirée du Placide et Muzo de l’illustre Nicolaou. Polux était un mix entre Placide et une patate dessinée par un ami schizophrène de Fabrice. Quant à Dieu, la représentation classique de l’œil cerclé d’un triangle, accroché par une ficelle à la voûte céleste, s’est imposée.
F.T.: Nestor était plus complexe à appréhender, comme un mélange entre Dingo et Mickey… C’est O’Groj qui a trouvé la solution.
O’Groj: Oui, les vieux Disney m’ont inspiré, mais j’ai créé la plupart des personnages à l’instinct. Fabrice avait tenté quelque chose un peu « ligne claire », qui ne lui ressemblait pas trop. J’avais une grande marge de manoeuvre, j’ai donc largement improvisé.
F.N.: Le rire naît de la rupture, de l’inattendu. On voulait créer un décalage entre le fond, philosophique, voire carrément théologique, et la forme, plus badine, disons même burlesque.
Un positionnement compliqué quand il s’agit de séduire les éditeurs…
F.T.: Oui, tout le monde a refusé notre projet, car il ne rentrait dans aucun catalogue. Chez Bamboo, ils nous ont même dit qu’ils ne comprenaient absolument pas qu’on puisse faire un truc comme ça. Mais finalement, à Pif, ils ont été emballés et nous ont commandé des histoires régulièrement.
O’Groj: C’est ce côté OVNI, décalé, jamais vu, qui m’a séduit dès le départ. Mais cet entre-deux est ce dont souffre le projet depuis le début. Si je devais m’y remettre, je pense que je m’investirais un peu plus afin de lui faire prendre une tournure plus adulte.
F.T.: Finalement, avec notre nouvel éditeur Onapratut, nous avons opté pour un album sobre, en tout cas largement plus classe que le recueil ultra kitsch, ringard et mal maquetté que Pif Éditions avait publié.
Y aura-t-il une suite à Nestor & Polux ?
F.T.: Pour moi, il me semble que l’histoire est terminée.
F.N.: Tout dépendra de l’accueil du public. Il y a déjà une dizaine de pages sur la jeunesse de Nestor & Polux, publiées dans feu Pif…
O’Groj: Je n’ai pas vraiment le temps, mais j’aimerais bien réinvestir cet univers…
Quels sont vos autres projets ?
O’Groj: Je travaille actuellement sur le dessin animé Gaston.
F.T.: Deux albums sortiront au premier trimestre 2010: Maki, les aventures tout public de mon lémurien, qu’on peut déjà lire dans Spirou. Et la suite du Journal d’un lémurien chez Delcourt, dans la collection Shampooing.
F.N.: La suite des aventures de moi-même, dont le premier volet 1977-79 est paru chez Shampooing (Pattes d’éph et col roulé).
Propos recueillis par Benjamin Roure
-
Très marrant, très beau bouquin. Bonne idée de cadeau de Noël pour les enfants (et même les plus grands) !
-
Très marrant, très beau bouquin. Bonne idée de cadeau de Noël pour les enfants (et même les plus grands) !
-
« Placide et Muzo de l’illustre Nicolaou. »
Placid (sans « e ») et Muzo est une création de C.Arnal. -
« Placide et Muzo de l’illustre Nicolaou. »
Placid (sans « e ») et Muzo est une création de C.Arnal. -
Nan, mais faut arrêter à la fin, Eve, elle n’a jamais croqué le fruit défendu (qui n’est pas une pomme), elle l’a juste proposé à Adam et lui a succombé !
-
Nan, mais faut arrêter à la fin, Eve, elle n’a jamais croqué le fruit défendu (qui n’est pas une pomme), elle l’a juste proposé à Adam et lui a succombé !
-
Et pas un peu, aussi, le Concombre Masqué, mmh?
-
Et pas un peu, aussi, le Concombre Masqué, mmh?
Commentaires