Nicolas Dumontheuil, un Gascon en Afrique
Pour Nicolas Dumontheuil, on dirait qu’il y a matière à rire de n’importe quel sujet. Ce Bordelais de 41 ans a sûrement raison, comme le prouvent sa délirante série Big Foot et son nouvel opus Le Landais volant. L’histoire loufoque et en roue libre d’un truculent Gascon au nez formidable, découvrant l’Afrique avec des yeux d’enfant. À la limite de la caricature, ce premier volume est terriblement drôle et jouissif. Comme un carnet de voyages grotesque, cette histoire aux belles couleurs chaudes évoque avec la même énergie communicative la pêche au requin, le tourisme sexuel, le vaudou ou le racisme plus ou moins refoulé des Occidentaux. Explications d’un auteur globe-trotter qui doute, mais aime rire avant tout.
Comment est né votre personnage, Jean-Dextre Pandar de Cadillac ?
Il répond à une envie de réaliser un récit de voyage, mais sous une autre forme que ceux en général publiés. Non que je ne les aime pas, mais je ne me sens pas capable de dessiner une visite guidée du pays, de montrer ce que j’ai vu et raconter ce que j’ai vécu… Surtout que, lorsque je suis en voyage, j’ai toujours l’impression de ne rien comprendre à la vie sur place et de passer à côté de beaucoup de choses. Voilà pourquoi j’ai eu l’idée d’un personnage un peu perdu, mais qui fournit de grands efforts pour ne pas rester un touriste de base.
Pour le croquer, vous vous êtes inspiré du dessinateur Jean-Denis Pendanx (Jéronimus).
Jean-Denis est un ami depuis très longtemps, avant même que nous devenions des dessinateurs. Au départ, je voulais utiliser deux personnages, inspirés de lui et moi. Je les ai mis en scène dans de petites histoires pour la revue de reportage La Lunette, animée notamment par mes collègues et amis Christophe Dabitch [La Ligne de fuite, Jéronimus] et David Prudhomme [La Marie en plastique]. La publication s’est arrêtée, mais mon idée a traîné un moment dans ma tête. Finalement, mon personnage s’est effacé au profit de celui qui ressemble à Jean-Denis. Cela m’arrange de cacher mes vilenies personnelles derrière le physique d’un autre !
Pourquoi avoir choisi de l’envoyer en Afrique ?
Parce que j’y suis allé très souvent, tout simplement. Je reviens d’ailleurs d’un séjour au Sénégal et, l’hiver dernier, je suis parti à moto avec Ptiluc à travers le Mozambique, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda… Les liens entre la France et l’Afrique sont bizarres. J’ai l’impression que les relations entre Occidentaux et Africains ne sont pas naturelles, même si la plupart des rencontres faites sur place sont spontanées et très chouettes. Je pense que les touristes comme moi passent à côté de tout. Et je ne suis pas certain que les Français installés là-bas depuis longtemps aient une meilleure compréhension des choses.
Êtes-vous aussi angoissé que votre personnage ?
Je ne crois pas mais, quand je reviens d’Afrique, je me pose beaucoup de questions. Même s’il n’y a pas de problème là-bas et que l’accueil est chaleureux, on se demande ce qu’on fout là, avec notre argent, face à ces gens qui triment et qui vivent dans une certaine misère. Si on est un tant soit peu sensible, on ne peut échapper à ce malaise.
Est-ce pour prendre le contre-pied de cette réflexion que vous avez adopté un ton humoristique ?
Souvent, dans les récits de voyage, il n’arrive rien de bien extraordinaire. J’avais envie qu’il se passe des choses dans mon histoire, sans toutefois la faire tomber dans l’aventure, avec des dangers à éviter ou un trésor à trouver. Comme dans Big Foot, je raconte des histoires plus ou moins dramatiques sous une forme humoristique. Je montre donc la bêtise des Occidentaux à l’étranger, j’exagère les traits et réactions de mon personnage, j’apporte un décalage avec une voix off ampoulée et prétentieuse…
Vous dénoncez plusieurs fois le racisme. Et vous vous moquez de Tintin au Congo...
Oui, c’était tentant de le réutiliser. En le relisant, j’avais oublié à quel point c’était con. Vraiment bête et méchant. Il faudrait un avertissement au début de l’album pour expliquer ce qui suit. On ne devrait pas le faire lire aux enfants tel quel…
Dans Le Landais volant, il y a une histoire de vaudou et de malédiction. D’où vient cet attrait pour le fantastique ?
J’apprécie de plus en plus de montrer des éléments vraiment fantastiques, sans savoir pourquoi. Il ne faut pas que ce soit complètement délirant, mais je veux montrer ce qui n’est pas visible en général et existe vraiment. Pour moi, un fantôme doit être pris au sens d’un cadavre dans le placard, c’est-à-dire un deuil pas fait, quelque chose de non achevé. Ces trucs-là sont bien réels ! Après, on peut interpréter les choses de différentes manières, mais je trouve plus drôle de représenter les fantômes. Comme la grand-mère de Jean-Dextre, qui apparaît régulièrement à ses côtés alors qu’elle est bel et bien morte.
Vous partagez un atelier avec notamment Jean-Denis Pendanx et David Prudhomme. Que vous apportent ces relations de travail ?
Pendant longtemps, j’ai dessiné seul dans mon coin. Travailler en compagnie d’autres auteurs nourrit et permet de se sentir plus en confiance, de chasser les doutes au bon moment.
Cela ne vous donne-t-il pas envie de signer un livre avec l’un de vos collègues ?
J’aimerais bien écrire des scénarios pour Jean-Denis Pendanx. Une série humoristique animalière par exemple, car toute une partie de sa création – dans un style moins réaliste – demeure méconnue, malgré sa grande qualité. Mais je n’ai pas encore réussi à trouver comment m’y prendre… Avec Christophe Dabitch, nous avons aussi envisagé une collaboration. Pour l’instant, je termine le deuxième tome du Landais volant, qui devrait sortir en octobre. Et il y aura sans doute un troisième volume. Avec un personnage qui me ressemblera, cette fois…
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Le Landais volant #1.
Par Nicolas Dumontheuil.
Futuropolis, 16 €, le 6 juin 2009.
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L’occidental est automatiquement raciste. Le blanc est raciste bien sur. C’est une gigantesque machine qui vise à culpabiliser les gens. C’est assez fou de constater à quel point la bd tourne en rond dans ses clichés grotesque… Pathétique et navrant…
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L’occidental est automatiquement raciste. Le blanc est raciste bien sur. C’est une gigantesque machine qui vise à culpabiliser les gens. C’est assez fou de constater à quel point la bd tourne en rond dans ses clichés grotesque… Pathétique et navrant…
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