« Nicole », revue revigorante
Ne cherchez plus, la fine fleur du 9e art se trouve dans le dernier Nicole, revue haut de gamme et vitrine léchée des éditions Cornélius ! Qui montre de la cohérence et une vraie identité éditoriale, l’assumant jusqu’au bout, fût-ce au prix des ventes. Le programme, qui ne déroge pas à la règle, est toujours aussi séduisant : des grands noms (Robert Crumb, Blutch, Y. Tatsumi, Herr Seele et Kamagurka), des auteurs « maison » (Hugues Micol, Pierre La Police, Jérôme Dubois, Benoît Preteseille), des talents confirmés (Simon Roussin, Adrien Demont, Delphine Panique) et, bien sûr, quelques nouveautés (Lionel Koechlin, Pierre Schiling) ou résurgences (Nicole Claveloux). Mais au-delà des noms, ce sont surtout les histoires qui nous intéressent, toutes nourries par un regard original, drapé le plus souvent dans la dérision, l’humour sous toutes ses formes et avec un art du décalage consommé. Pour tous les goûts et toutes les sensibilités, dans des styles léchés ou jetés, en noir et blanc ou couleurs, entre France et Finlande en passant par le Japon et les États-Unis.
Avec cette couverture des frères Thémistècle, splendide de laideur, signée Pierre La Police, le ton est donné. Vous aurez plaisir à pleurer en compagnie de François Ayroles (On peut pleurer de tout mais pas avec n’importe qui), vous rirez des envolées absurdes des Praticiens de l’Infernal ou du surréalisme échevelé d’un Cowboy Henk dans des pages aussi expéditives que grinçantes.
Vous retrouverez avec nostalgie les errances de Baudelaire (Le Chien et le flacon signé Alessandro Tota, prolongeant son Charles) ou celle du héros de Yoshihiro Tatsumi dans L’Anguille, terrassé par la tristesse. Mais on rit aussi d’un sexe qui parle avec Olivier Texier et l‘on(re)découvre dans un même élan le style fantasmagorique de Nicole Claveloux, co-créatrice de Ha! Nana, première revue de bandes dessinées féministe, qui a initié “plusieurs générations d’enfants au mauvais esprit avec sa série Grabote parue dans Okapi (…)”.
Jérôme Dubois (Bien normal), lui, persiste et signe avec un curieux récit mettant en scène des nouveaux-nés (ou jeunes-vieux) qui ont rendez-vous au centre hospitalier et métallurgique (CHM) pour obtenir un nom, des antidépresseurs et un peu d’attention, image d’une société paumée, anesthésiée par des émotions à la chaîne. Alors que Blutch suspend le temps dans Les Sept saisons de femme, panorama intime d’une obsession. Les couleurs de Giacomo Nanni esthétisent un texte de Jack London quand les personnages d’Aline et Robert Crumb rejouent leur passé de drogués-alcooliques.
Une fête pas tout à fait finie. Car on referme l’opus de 300 pages (tout de même, pour seulement 14.50€) avec l’envoûtante élégance des pinceaux de Simon Roussin qui, après les feutres, aiguise sa technique en exploitant les transparences du pigment à l’huile dans Rio Bravo. Du grand art !
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Nicole #7.
Collectif.
Cornélius, 14,50 €, juillet 2018.
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Bonjour
Comment recevoir votre revue svp ?
Cordialement
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