Noël 2015 : beaux livres et intégrales (3)
Suite de notre sélection de beaux livres et intégrales BD à mettre au pied du sapin (ou à commander au Père Noël). Si vous avez loupé les épisodes précédents, il sont là et là.
Carthagène
Deux pointures, chacune dans son domaine, ont été réunies par Dupuis — dans le cadre de sa prestigieuse collection Aire libre, associée à l’agence photo Magnum. En mars dernier, le photographe Raymond Depardon et l’illustrateur Jacques de Loustal se sont rendus à Carthagène, en Colombie. Dans cette ville marquée par la colonisation, qui compte aujourd’hui plus d’un million d’habitants, ils ont chacun capté des lieux, des scènes, des ambiances. Parfois assorties de brefs commentaires, leurs images dialoguent harmonieusement, offrant des regards singuliers, rarement anecdotiques.
Dupuis, collection Aire libre / Magnum Photos, 120 p., 30€.
Krazy Kat – 1940-1944
Ça y est, c’est fini ! L’extraordinaire épopée éditoriale que constitue la publication de l’intégrale Krazy Kat de George Herriman s’achève avec la sortie de ce quatrième et toujours aussi imposant volume. Encore plus beau peut-être, puisqu’il rassemble les planches du dimanche en couleurs. Les Rêveurs ont comme toujours soigné le travail, tant dans l’édition que dans la traduction, une oeuvre à part entière signée du spécialiste ès Herriman Marc Voline. Oeuvre hors norme et sans pareille dans l’histoire de la bande dessinée, Krazy Kat a donc enfin la version française qu’il mérite.
Notons que Les Rêveurs publient aussi le drôle de petit livre à l’italienne, jusqu’ici inédit en France, Les Aventures de Krazy Kat et Ignatz Mouse à Kokoland. Une séries d’historiettes illustrées par des cases extraites de Krazy Kat, sur lequel Herriman n’a jamais travaillé, mais qui permet d’offrir une lecture différente, tournée vers les enfants, de cet univers décalé et haut en couleurs.
Les Rêveurs. Krazy Kat #4 : 272 p., 38 €. Les Aventures de Krazy Kat et Ignatz Mouse à Kokoland : 160 p., 20 €.
Miles Hyman – Drawings
Américain bien connu en France, Miles Hyman publie ses illustrations dans la presse, expose dans des galeries et signe des bandes dessinées de grande classe (Le Dahlia noir). Le beau livre publié par Glénat permet de s’immerger dans son univers d’images hypnotiques, qui compensent la froideur de certaines de ses mises en scène par des couleurs chaudes et un travail sur la lumière pointu (c’est son petit côté Hopper). On retrouve ici des oeuvres créées pour différents supports (presse, livre, expo), présentées thématiquement : les villes (New York, Los Angeles, Paris), les femmes, le polar… L’ensemble est extrêmement cohérent, pas répétitif car immanquablement envoûtant.
Glénat, 208 p., 39 €.
Charlie Adlard Art Book
Derrière la maestria scénaristique de Robert Kirkman, on oublie souvent un peu que Walking Dead est aussi un excellent comics grâce à ses dessins. En effet, le Britannique Charlie Adlard tient la baraque depuis presque le début, avec son noir et blanc puissant, jouant des codes du réalisme avec intelligence. Ses zombies sont superbes, les tronches de ses nombreux personnages pleines d’humanité (ou d’inhumanité, c’est selon). Les éditions Delcourt lui rendent un bel hommage en publiant cet artbook de facture chic et classique. On y redécouvre son travail sur Walking Dead, bien sûr, mais aussi sur d’autres projets comme Le Passager ou, bien avant, X-Files. L’occasion de passer un peu de temps sur le travail (crayonnés, encrages, illustrations couleurs…) d’un dessinateur qui, s’il n’est pas le plus clinquant ni virtuose de la planète comics, est un travailleur précis et attentif aux détails, capable de se renouveler plus souvent qu’on ne le croit. Le meilleur ami d’un scénariste prolifique, donc.
Delcourt, 212 p., 22,95 €.
Salvatore
Soit Salvatore, un chien mécanicien un poil prétentieux, amoureux depuis l’enfance de Julie. Quand son aimée part, il jure de la retrouver, et embarque pour un long voyage, aux étonnantes péripéties… Burlesque et poétique, le conte animalier de Nicolas de Crécy (La République du catch), auteur tout juste auréolé du Grand Boum au festival de Blois, ne comporte, malheureusement que quatre tomes — le dernier paru en 2010. Dans ce recueil au format moyen (dommage, on aurait apprécié de voir le trait « DeCrécyen » s’étaler en grand), on savoure sa superbe ambiance graphique, ses couleurs finement choisies, ses dialogues drôles, bien ciselés.
Dupuis, 240 p., 36€.
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