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Noël 2017 : des intégrales et rééditions (sélection 2)

29 novembre 2017 |

Après une première sélection consacrée aux beaux livres illustrés (et il y en aura d’autres !), voici un choix d’intégrales à glisser au pied du sapin.

p321_1711191612_iApparitions disparitions et autres mouvements

L’an dernier, Éric Lambé et Philippe de Pierpont décrochaient le Fauve d’or au Festival d’Angoulême, avec le froid et bouleversant Paysage après la bataille. On se réjouit donc que le FRMK et Actes Sud rééditent cet automne, au sein d’un même ouvrage, leurs trois précédents livres. Alberto G. (Frémok, 2003) s’inspire de la vie et de l’oeuvre de Giacometti. La Pluie (Casterman, 2005) raconte un couple qui se délite, dans une ville noyée sous un déluge. Enfin, Le Voyage (Futuropolis, 2008) met en scène un homme condamné par la maladie qui s’en va voir la mer et rejoindre une femme qu’il a aimée. Trois histoires évoquant une rupture dans une vie, et une disparition. D’où le premier mot du titre du recueil, auquel s’ajoute son antonyme, « apparition », car il est aussi question dans l’oeuvre des deux auteurs d’apparitions d’images, de formes, à un moment ou un autre. Cette riche collaboration a produit des livres exigeants, aux abords ardus mais extrêmement sensitifs dès lors qu’on réussit à y pénétrer, au graphisme tendant à parfois l’abstraction. La présente intégrale a le bon goût d’adopter un format similaire à Paysage après la bataille, redonnant à l’oeuvre de Lambé et de Pierpont une forme de cohérence que les années et surtout les éditions fort différentes avaient pu diluer. Un beau travail, tout à fait nécessaire.

Actes Sud BD/FRMK, 456 p., 31,80 €. Apparitions-Disparitions-056

jolies-tenebres-reed-couvJolies ténèbres

En 2009, ce fut un choc graphique et narratif, au point que l’album se classa à la première place du top 10 BoDoï des meilleures BD de l’année. On se réjouit donc que soit réédité l’excellent Jolies ténèbres (enrichi de quelques recherches graphiques, sous le label Aire Libre) signé Fabien Vehlmann et Kerascoët. On y suit dans une atmosphère dégoulinante de mignonnerie de petits personnages craquants. Avant de réaliser que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde si charmant : les protagonistes se baguenaudent sur un cadavre de fillette pourrissant dans les bois, et ne se font – vraiment – pas de cadeaux… Un conte horrifique au somptueux graphisme, tout à fait fascinant.

Dupuis/Aire Libre, 112 p., 24€.

Dédale

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Dédale était un des mangas inattendus de l’année 2016. Sortie de nulle part, la série a su marquer les esprits en seulement deux volumes. Prenant à contrepied la mode violente du survival manga en le mettant à la sauce jeu vidéo, l’ensemble est un délice positif dans lequel on aime se perdre avec ses héroïnes, coincées dans un monde labyrinthique virtuel. On les suit de surprise en surprise en espérant qu’elles rejoignent le monde réel. Très frais, Dédale assure un divertissement efficace et malin. Cette nouvelle édition reprend les deux tomes de la série dans un format agrandi et avec une couverture cartonnée. Inutile de bouder son plaisir, d’autant plus que le trait moderne de Takamichi est vraiment agréable à regarder en grand !

Doki doki, 480 p., 19,90 €.

Fables paniques

En 1967, Alejandro Jodorowsky est au Mexique. Il y est venu avec le Mime Marceau et s’est installé pour donner des cours et mettre en scène des pièces de théâtre. Mais celui qui a fondé le groupe Panique, avec Topor et Arrabal cinq ans auparavant, est victime de la censure gouvernementale. fables_paniques_couvIl répond alors favorablement à la demande de Luis Spota, qui dirige le supplément culturel du journal El Héraldo : il créera une fable en bande dessinée, chaque semaine dans l’édition dominicale. Les Fables paniques sont nées. Censées ne durer que trois mois, elles rencontrèrent un tel succès qu’elles furent publiées pendant six ans et demi ! Celui qu’on connaît aujourd’hui comme scénariste de BD (L’Incal, les Méta-barons, ou plus récemment Le Pape terrible ou Les Chevaliers d’Héliopolis) fut ici auteur complet, avec un style de dessin forcément très marqué années 1960, tâtonnant mais très expressif, dont les couleurs criardes ont pris aujourd’hui la patine jaunie des vieilles pages de journaux. Si ses premières fables sont très pessimistes et contestataires, elle sont plus douces et apaisées par la suite, mystiques aussi, marquées notamment par la pensée zen chère à l’auteur. L’ouvrage publié par Actes Sud/L’An 2, à la suite de Random House Mexico, reprend donc l’intégralité des 288 fables, pour un jalon marquant de l’histoire littéraire mexicaine et une facette restée trop longtemps inaccessible de l’oeuvre polymorphe d’Alejandro Jodorowsky.

Actes Sud/L’An 2, 304 p., 29,80 €.

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les_gens_honnetes_int_couvLes Gens honnêtes

Écrite au départ par Jean-Pierre Gibrat et dessinée par Christian Durieux, la série Les Gens honnêtes s’est poursuivie durant 4 tomes chez Aire Libre, sous le seul pinceau de Durieux, Gibrat étant trop accaparé par Mattéo notamment. Qu’importe, on sent dans cette série toute la chaleur humaine, l’humour littéraire et le regard aiguisé sur le monde contemporain des deux auteurs, qui mettent en scène un quinquagénaire se retrouvant au chômage. Les couleurs douces et la fausse ligne claire ronde de Durieux jouent beaucoup dans l’adhésion quasi immédiate à cet univers plutôt réaliste, et ce graphisme agréable voire apaisant, doublé du ton cocasse de l’histoire, fait qu’on se prend plaisir à entamer de nouveau une longue balade en compagnie de ces Gens honnêtes, le temps de cette imposante intégrale.

Dupuis/Aire libre, 296 p., 35 €.

Les Grands Crus classés de Fluide Glacial – Édika

edika-grands-crusTout prétexte est toujours bon pour s’avaler du Édika. Pilier de Fluide Glacial depuis 1979, auteur de 36 albums et de dizaines de couvertures du magazine, Edouard Carali fait partie de ces dessinateurs d’humour inoxydables, au trait hyper caractéristique et à l’univers barré. Chez Édika, les corps se déforment, les mots se réinventent, la vulgarité n’existe pas, tout est perché et hilarant, décalé par nature. Fluide Glacial propose en cette fin d’année un florilège de ses récits courts, présentés et choisis par des auteurs de la maison, dont Daniel Goossens, Riad Sattouf ou Bouzard, et même Éric et Ramzy. Avec la première histoire publiée dans le journal et un récit inédit. Une bonne introduction à l’univers d’Édika.

Fluide Glacial, 96 p., 19,90 €.

Sélection établie par Rémi I., Laurence Le Saux et Benjamin Roure

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