Otto, l’homme réécrit
Otto Spiegel (le miroir, en allemand) est un plasticien à succès, qui a bâti sa carrière sur des oeuvres réflexives. Cet homme palindrome est malheureux, remet en question son rapport à l’art, à la célébrité. Une rupture intervient quand ses parents décèdent brutalement, dans un accident de voiture. Otto apprend alors qu’une malle l’attend dans sa maison de famille : elle recèle un recensement précis de ses faits et gestes durant les sept premières années de sa vie. Lui qui n’a aucun souvenir de cette période va s’y plonger totalement, oubliant le monde extérieur, tel un moine dans sa grotte. Jusqu’à se trouver (ou bien se perdre ?).
Fidèle à ses obsessions, Marc-Antoine Mathieu explore la quête identitaire d’un homme, dissèque ses interrogations philosophiques, installant une ambiance un peu trouble, qui tient presque du polar. Graphiquement, il privilégie une grande sobriété : du noir, du blanc, des dégradés de gris, dans un format à l’italienne. Elégant, le dessin s’installe dans un cadre métronomique — deux grandes cases muettes par page, le texte dessous. Pas de grandes fantaisies, de jeux avec l’espace inter-iconique, comme dans Julius Corentin Acquefacques. Mais une déconstruction méthodique de la matière par le motif, une variation sur la multitude qui constitue l’un. Rigoureuse et maline, la dissertation flirte avec les abysses de la pensée.
Publiez un commentaire