Oualou en Algérie
« Oualou », expression pouvant signifier « tu fanfaronnes », est également le nom de famille de Nadir, détective sympathique de la région parisienne, vêtu de baskets et d’un sweat à capuche, un Français « comme Zidane », comme il aime à le rappeler. Le bled ? Très peu pour Nadir car, s’il ne renie pas ses origines algériennes, son domaine, c’est la banlieue parisienne. Lorsqu’une cliente cherche à retrouver sa fille, dont on l’a séparée depuis de nombreuses années, emmenée par son père, ancien membre du Front Islamique de Salut, il doit bien se résoudre à l’évidence : il va devoir aller mener son enquête en Algérie, pour lui un « terrain hostile ».
Réédition en couleur d’un album paru en 2011, Oualou en Algérie est un récit intelligent. Sans prétention, Lounis Dahmani aborde une histoire sensible : celle de la mémoire des années noires algériennes, les années 1990, qui ont vu s’affronter les partisans du FIS, et les militaires qui, avec pour prétexte de défendre la République, et pour protéger leurs intérêts aussi, ont interrompu le processus électoral qui aurait vu la victoire de l’intégriste FIS. Cette décennie a vu la violence et le terrorisme déferler en Algérie. À travers la recherche d’une enfant perdue, Nadir découvre son pays d’origine et ses contradictions. Personnage attachant, on le suit dans une aventure rocambolesque, dénuée de tout pathos, où l’Histoire se mêle à des situations de fiction rocambolesques comme la présence des frères Batata, version algérienne des frères Dalton.
Le trait, sans prétention, entre réalisme et caricature, nous rappelle que Gyps est dessinateur pour la presse algérienne. Son épais feutre noir donne une belle dimension aux cases et adoucit les situations, contribuant à créer cette impression que, même si on aborde des choses graves, on peut le faire avec légèreté : un regard qui apparaît salvateur et digne d’intérêt dans une Algérie encore prise dans ce passé récent douloureux. À la fois divertissant et intelligent, Oualou en Algérie donne à penser, de la plus belle des façons : avec recul et humour.
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