Non, Philippe Auger n’a pas rencontré d’extraterrestres, ni vu de soucoupes volantes. En revanche, pour sa première bande dessinée, cet auteur de 30 ans s’est penché sur une affaire trouble qui s’est déroulée au Brésil en 1996. À Varginha, trois jeunes filles rencontrent une créature inconnue; des pompiers capturent un autre être bizarre; des militaires en témoignent et un chirurgien l’opère… Bien entendu, cette prétendue apparition d’aliens a été démentie par les autorités, mais elle se révèle être l’un des phénomènes ufologiques les plus étranges. Dans OVNI L’Affaire Varginha, Philippe Auger met en scène ce fait divers comme un blockbuster. Et y ajoute un intéressant dossier documentaire sur les faits et théories en vogue autour de ce type de phénomène. Non, il n’a pas croisé E.T., mais nous, nous l’avons rencontré.

Pourquoi vous pencher sur les OVNI ?
Cela fait environ quatre ou cinq ans que je m’y intéresse. J’ai écouté pas mal d’émissions de radio dans lesquelles des scientifiques évoquaient les OVNI et les phénomènes étranges constatés sur Terre. En me renseignant un peu plus, je me suis rendu compte qu’il existait une importante littérature sur le sujet. Mais, pour moi, les OVNI ne sont qu’une partie du mystère, au même titre que le paranormal ou l’ésotérisme. Tous ces domaines m’intéressent, parce que j’aime bien savoir ce que les autres ne savent pas…

Pourquoi traiter de l’affaire Varginha en particulier ?
Quand Run [auteur de Mutafukaz et directeur du label 619], qui est aussi branché sur le sujet, m’a proposé de travailler sur les OVNI, j’ai étudié d’un peu plus près les cas d’observation de ce type de phénomène. Dans la plupart d’entre eux, une seule personne prétend avoir vu quelque chose. Mais l’affaire Varginha est bien plus riche puisque de nombreux témoins (militaires, civils, policiers) se sont manifestés.

Comment transformer ces témoignages en une bande dessinée ?
Il a évidemment fallu scénariser un peu tous ces récits, gommer quelques incohérences temporelles par exemple… Mais la plus grande difficulté fut de rendre cette histoire dynamique, car finalement, il ne se passe pas tant de choses que ça. Le découpage manga m’est venu naturellement, il permettait d’exacerber l’action, d’opter pour des cadrages plus serrés, d’ajouter des lignes de vitesse… Pour le dessin des personnages, que je voulais réaliste, je me suis servi de photos, de moi principalement. Et me suis rendu compte que la coupe de cheveux est primordiale lorsqu’il s’agit de distinguer les gens !

Et pour la représentation de l’extraterrestre ?
La question s’est posée de savoir s’il fallait le montrer ou non. Mais, dans cette affaire, on dispose de tant de témoignages de gens qui prétendent l’avoir vu qu’il était finalement assez logique de le montrer. Toutes les descriptions, dont celle du chirurgien qui a autopsié la créature, convergent en fait vers la figure classique du « petit gris ».

Pourquoi enrichir votre histoire d’un dossier documentaire ?
Mon objectif n’est absolument pas de convaincre qui que ce soit, dans un sens ou dans un autre. Personne ne pourra le faire, du moins tant que des aliens ne débarqueront pas devant la Maison Blanche à l’heure du journal télévisé ! J’ai simplement voulu donner à lire tout ce qui m’intéresse concernant ce sujet, les avis de théoriciens, de scientifiques, et aussi les témoignages de gens qui semblent totalement sincères…

Bon, mais vous, vous y croyez vraiment aux extraterrestres ?
Je ne sais vraiment pas, je m’interroge. L’affaire Varginha est troublante, mais est-elle réelle? Je n’en mettrai pas ma main au feu. Néanmoins, ce qui est sûr, c’est que des tas de phénomènes restent inexpliqués aujourd’hui. On en parle très peu en France, et pourtant il existe un organisme officiel qui les étudie, le Geipan (Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés). Je ne suis pas convaincu par la théorie « tôle et boulons », celle des soucoupes volantes qui viendraient nous visiter. Franchement, on en observe depuis plus de 50 ans au-dessus de nos têtes, alors pourquoi ne s’est-il rien passé de plus ? Personnellement, je me dis qu’on n’aura jamais aucune preuve physique de l’existence des extraterrestres.

Donc vous n’y croyez pas ?
Je me sens plus proche de la théorie Gaïa, même si elle comporte plein de lacunes. Elle établit la Terre comme un être vivant, et qui réagirait comme tel. C’est-à-dire que la planète enverrait des signaux aux hommes pour leur faire prendre conscience du mal qu’ils lui font. Les OVNI feraient partie de ces signes. C’est tout de même étrange que les gouvernements du monde entier enregistrent des vagues d’observations d’OVNI à chaque fois qu’ils font exploser des bombes atomiques ! Selon moi, les États possèdent des informations sur ces phénomènes, mais n’ont pas intérêt à les divulguer. Ils manipulent les ufologues des deux côtés: il confortent ceux qui prétendent avoir vu des phénomènes aériens non identifiés, afin qu’ils s’en tiennent à l’invérifiable théorie « tôle et boulons »; et ils ridiculisent ceux qui ont d’autres théories, parce qu’ils savent qu’ils ne pourront rien prouver non plus.

Avec cet album, qui est votre premier, n’avez-vous pas peur d’être pris pour un fou, un marginal ?
Je suis dessinateur, alors qu’on me prenne pour un fou, cela m’arrive souvent!  Pour moi, se situer à la marge est une qualité. Je suis aussi très intéressé par l’alchimie et l’ésotérisme. De nombreuses grandes oeuvres d’art sont codées de manière alchimique, et peuvent ainsi toucher inconsciemment les gens. Il y a même des codes dans les BD d’Hergé ! En maîtrisant les trois phases de l’alchimie, on peut construire des trames invisibles dans ses histoires. Pour mon prochain scénario, je vais essayer d’appliquer un peu ces trames, ça pourrait déclencher des trucs…

Propos recueillis par Benjamin Roure

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OVNI : L’Affaire Varginha.
Par Philippe Auger.
Ankama, 12,90 €, le 5 novembre 2009.

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Images © Auger / Ankama

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