P.T.S.D.
Jun, tireuse d’élite de retour au pays, tente de se réacclimater à la vie de tous les jours. À la rue et en état de stress post-traumatique (P.T.S.D. pour Post-Traumatic Stress Disorder en anglais), la vétérane est encore loin du compte. Laissée à l’abandon par l’armée et l’État, elle croupit dans les méandres de la ville. Hantée par son passé de soldate, elle tente de survivre, l’esprit embrumé par les combats et les psychotropes. Solitaire, abattue et droguée, comme bon nombre de vétérans, Jun va essayer de s’en sortir tant bien que mal, et cela passera par une rébellion contre elle-même et tout ce qui monopolise son esprit. Et dans ce monde violent, l’histoire avance grâce à quelques personnages bienveillants remettant Jun sur la route d’un quotidien plus serein.
Creusant son personnage, sa situation et son traumatisme dans l’espace et le temps, Guillaume Singelin dresse le portrait d’une femme complexe et forte, charitable et violente, surréactive et désorientée. Il crée un récit aux nombreuses références pop modernes, piochées dans les 7e, 9e et 10e arts américains et japonais. Dans le présent, son héroïne évolue un décor urbain écrasant inspiré des grandes mégalopoles d’Akira ou Ghost in the shell. Pas futuriste, mais brutal et particulièrement peu accueillant. Ses souvenirs de guerre rappellent quant à eux bien des conflits asiatiques de la fin du XXe siècle.
Avec une narration très cinématographique, P.T.S.D. alterne les scènes d’action, les flashbacks et les moments plus calmes avec un rythme maîtrisé et une insolente aisance. Le dessin retranscrit bien l’idée de mouvement, sans que le trait ne joue sur l’hyperdynamisme, privilégiant les angles de vue, les positions, les chorégraphies et les mises en scène bien pensées. La multitude de détails et la mise en couleurs texturée agrémentent remarquablement chaque planche. Le design rond et tendre des personnages aux proportions pleines de charme finit de ravir la rétine.
Alors qu’il vient de rejoindre la tête du Label 619 (récemment devenu indépendant) aux côtés de Run, Florent Mandoux et Mathieu Bablet, Guillaume Singelin confirme sa place méritée parmi les auteurs phares de la collection… On peut même aller plus loin, car après son travail remarqué sur The Grocery et ses collaborations aux collectifs Doggybags et Midnight Tales, il signe là une œuvre d’une force et d’un éclat rares qui le positionne parmi les meilleurs auteurs de sa génération.
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