Panthère
Après sa première BD, Les Noceurs, auréolé du prix de l’audace à Angoulême en 2011, puis Les Amateurs en 2013, l’auteur néerlandais Brecht Evens avait marqué pas mal de lecteurs, notamment par sa virtuose technique graphique entièrement à l’aquarelle. Il revient ici avec Panthère, fantasmagorie sur la séduction et le monde de l’enfance.
Christine, petite fille d’à peine 6 ans, vit seule avec son père et son chat Patchouli. Son triste quotidien s’assombrit encore quand le félin meurt. Mais, sortie de nulle part – d’une commode en fait – une panthère va tenter de redonner un peu de bonheur à cette fille. Dandy affable et séducteur, le fauve noue peu à peu une relation privilégiée avec Christine…
Un quotidien morose, une mère partie et un chat dans la tombe, rien ne va pour Christine. Jusqu’au jour où une panthère réenchante son monde. En apparence du moins. Car esthète et cajoleur, d’une douceur désarmante, le fauve ensorcelle peu à peu sa proie… Evens dessine alors l’évolution d’une relation, d’abord chaleureuse et teintée d’amitié naissante, avant d’en creuser l’ambiguïté et la nature réelle… Histoire d’une enfance perdue racontée avec mélancolie, Panthère confronte deux mondes puis mélange les niveaux de perception : du réalisme au fantasme, en passant par le symbolisme et la psychologie. L’auteur image ainsi des territoires rassurants et colorés, sorte d’idéal voué à exploser. Car l’enfant, innocent et aimable, considère les adultes comme des êtres sages et bienveillants. Charmante Panthère s’en prend alors au seul être incapable de lui opposer une résistance… Encore une fois, Evens montre tout son talent, davantage en matière de mise en scène que de narration. Car les dialogues entre les deux personnages, lents et longs, installent péniblement la relation. Mais ils sont nécessaires à la montée en tension qui finit par éclater. Graphiquement, on voyage entre les couleurs et les ambiances, du rose au noir via un flux onirique et fantastique. Les lavis aériens et transparents, à l’enthousiasme naïf, s’assombrissent ensuite pour saisir terreurs et cauchemars. L’esthétique léchée est splendide et puissante, ménageant une belle alchimie des contraires. Dommage que le texte vienne parfois alourdir ce que le dessin suffit seul à exprimer. Sans être le chef-d’œuvre qu’on attendait peut-être, le troublant Panthère n’en reste pas moins une très belle BD.
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