Par Raphaël Drommelschlager. Casterman, 16 €, le 22 avril 2009.

La vie tient parfois à un fil, ou à une mauvaise nouvelle. Quand Gaspard de Saint-Amand apprend qu’une tumeur va l’achever dans les six mois, cet industriel brillant qui a construit un empire à la mesure de son ego décide de renouer avec la femme qu’il a toujours aimée. Même si cela doit passer par une manoeuvre des plus perverses: Gaspard demande à son frère Mathieu de se faire passer pour lui, et de séduire la belle Anna à distance. Mais une question demeure: qui manipule qui?

Raphaël Drommelschlager (Les Voyages de Kaël) s’est lancé dans un ambitieux challenge: raconter une histoire d’amour, de haine et de trahison, dans trois chapitres adoptant trois points de vue différents sur la même histoire (Gaspard, Anna, Mathieu). Un choix audacieux, à l’image d’un parti-pris graphique inhabituel: une couleur dominante par chapitre (bleu, rouge, vert) vient soutenir une belle ligne claire en noir et blanc. L’ensemble, s’il séduit au début, lasse pourtant à mi-parcours.

En effet, malgré les révélations finales (tout de même un brin décevantes), on a la désagréable impression de lire trois fois la même histoire. Les différences apportées par les points de vue décalés ne paraissent pas assez significatives pour justifier ce choix narratif radical. Résultat: on commence à s’ennuyer ferme dès le milieu du deuxième chapitre (celui d’Anna, de toute façon le plus faible). La faute sans doute aussi aux voix off, récits ternes et un peu cucul de chaque personnage dans la partie qui lui est consacrée. Raphaël Drommelschlager ne recule pas devant le mélo, ce qui est tout à fait louable. Mais il semble être dépassé par ce périlleux exercice. Dommage, car l’idée était bonne et l’esthétique froide choisie franchement séduisante.

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