L’Américaine Sophia Glock a grandi à l’étranger, dans divers pays, surtout en Amérique centrale, dans un monde d’expat’. Pas simple quand vient l’adolescence, qu’il faut intégrer une tribu pour grandir sans trop souffrir, et surtout tenter de s’émanciper d’un foyer familial fermé par une porte blindée et des barbelés. Car Sophia a des parents un peu spéciaux : ce sont des espions.

Voilà un pitch aussi fascinant qu’il est décevant. Car si l’autrice choisit d’évoquer ses jeunes années de façon chronologique – ce qui n’est pas absurde narrativement –, elle repousse le moment de la révélation du secret de ses parents à la fin du livre, tout en distillant des indices évidents tout du long : le lecteur comprend donc immédiatement de quoi il s’agit et ne peut qu’observer cette gamine demeurer dans l’ignorance sur quelque 300 pages… De plus, si ce fameux secret est érigé très tôt comme le coeur d’un (petit) traumatisme de son enfance, il n’est finalement pas au centre de ses confessions. Passeport est en effet un roman graphique sur l’adolescence, aux ressorts relativement classiques : la difficulté de se faire des amis, la tentation des excès (sorties, alcool…) pour se prouver quelque chose ou pour provoquer les adultes, la gestion du regard des autres ou des avances lourdingues voire des violences des garçons… On reste donc un brin frustré face à ce portrait assez convenu d’une petite fille qui grandit, car les spécificités de sa condition de fille d’espion demeurent légères. Le dessin très sobre – silhouettes raides, décors minimalistes, gamme de couleurs réduite – possède un certain charme, mais incarne aussi un peu l’ennui global qui surgit trop souvent dans l’album. Un premier livre intéressant, mais pas abouti.