Patience
Jack Barlow et Patience semblent filer tout droit vers le bonheur. Patience dit au revoir à son passé malheureux et Jack s’émerveille d’un événement à venir : la naissance de leur bébé. À part un petit mensonge et quelques soucis d’argent, ce couple très ordinaire semble uni par un amour sincère. Jusqu’au jour où tout se délite. Alors que Jack avait choisi la carte de la franchise, il découvre le corps de Patience, allongée sur la moquette du salon. Qui l’a assassinée ? Pourquoi ? Le début d’une enquête spatio-temporelle truffée d’embûches pour Jack, anéanti mais déterminé à changer le cours de l’Histoire…
La sortie d’un album de Daniel Clowes (Wilson, Mr Wonderful, Ice Heaven, David Boring, Le Rayon de la mort…) est toujours un petit événement, surtout lorsqu’il aura fallu l’attendre plus de cinq ans. L’auteur acclamé de Ghost World revient avec un album dense et splendide graphiquement, enquête spatio-temporelle qui mélange SF, sentiments et thriller. Afin de retrouver le meurtrier de Patience, Jack va multiplier les allers-retours entre passé et présent, muni d’un objet à remonter le temps. Son ambition, empêcher le crime. Pour cela, il va se confronter au passé trouble de sa fiancée, croiser la route d’une faune de losers ou de nerds, prêt à faire le coup de poing. Spectateur de sa lente dérive mais aussi acteur de son possible salut, par la violence s’il le faut, Jack avance avec le sentiment, quelque part, d’avoir tout foiré sans trop savoir comment.
Quid du deuil à l’épreuve du temps ? La vengeance purifie-t-elle et l’amour résiste-t-il aux non-dits, à la disparition des corps ? Très accessible, bien fichu et fluide malgré ses 180 pages, Patience n’épargne pas grand-monde – victimes du destin ou être pathétiques – avec toujours une évidente empathie pour ses personnages écorchés par l’existence. Daniel Clowes peint une Amérique ordinaire et désabusée, creuse la mosaïque des sentiments, exprime toutes les ambiguïtés de l’attachement sans sacrifier les interrogations universelles sur le mal-être lancinant, la difficulté d’être ce que l’on veut. Le trait de Daniel Clowes habillé de couleurs pop, magnifique et inégalable, entre hommage aux vieux comics et totale modernité, n’a peut-être jamais été aussi pur et évident. Et même si au final l’immersif Patience n’est pas son ultime chef-d’œuvre – Jack ronronne un peu entre les époques parfois –, Daniel Clowes continue de surprendre et de raconter des histoires qui prennent aux tripes. Et ça, c’est très rare.
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