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2 Comments

Paul-Yanic Laquerre plonge dans l’enfer des camps d’expérimentation japonais

8 novembre 2010 |

maruta_introDès les années 30, le Japon occupe la Mandchourie, en Chine. Et, très tôt, ses soldats bâtissent des camps de prisonniers, afin de mener des expérimentations sur eux. Tests de résistance à la chaleur ou au froid, inoculation de virus ou de bacilles, amputations… Ces « recherches » entraîneront la mort de milliers de Chinois et serviront à la mise au point d’armes bactériologiques. Le Québécois Paul-Yanic Laquerre, juriste et spécialiste du front asiatique durant la Seconde Guerre mondiale, raconte dans Maruta 454 le parcours d’un de ces cobayes humains – un récit violent et poignant mis en images par le jeune auteur chinois Pastor. Rencontre avec un scénariste-historien, passionné et passionnant.

maruta_sangVous êtes avocat, journaliste, historien… Comment en êtes-vous venu à la bande dessinée?
Je dois préciser que j’ai déjà écrit un roman relatant dix ans de la vie de l’empereur nippon Hiro Hito. Mais comme il n’y avait pas assez de romance dans ce livre, les éditeurs francophones n’en ont pas voulu; je vais donc me tourner vers les États-Unis pour le publier… J’avais aussi l’idée de Maruta 454: comme j’ai vu mon horizon romanesque bouché, j’ai imaginé cette histoire pour la bande dessinée et l’ai logiquement proposée à Xiao Pan, spécialisé dans la BD chinoise. Patrick Abry, l’éditeur, a été immédiatement emballé.

Etiez-vous déjà amateur de bande dessinée?
Oui, j’ai chez moi une pièce remplie d’albums, et je collectionne les originaux (Civiello, Kent Williams, Bill Sienkiewicz…). Je possèdais des ouvrages publiés chez Xiao Pan, ce qui m’a incité à présenter mon projet à cette structure. Patrick Abry m’a ensuite proposé plusieurs dessinateurs.

maruta_femmeComment cela s’est-il déroulé?
Rapidement, j’ai souhaité travailler avec Song Yang, car je voulais un style réaliste pour mon récit – et surtout pas de personnages avec de grands yeux, etc. Mais il était trop occupé pour plancher sur ce projet. Il l’a alors proposé à un artiste de son studio, Pastor. Ce dernier a réalisé un travail fou, puisqu’il a produit 200 pages en moins de trois mois! Bien sûr, on peut trouver matière à reproches dans son travail, mais je suis globalement satisfait du résultat: son dessin est à la fois réaliste et chargé d’émotions.

Comment avez-vous travaillé avec lui?
Par mail uniquement. Je ne l’ai jamais rencontré. Je lui écrivais en anglais, puis mes messages étaient traduits en mandarin afin d’être certain de bien me faire comprendre. Je lui ai d’abord fourni un script très détaillé, planche par planche, case par case. Il me renvoyait les images, et je lui faisais mes remarques, souvent du registre du détail historique (tel type de montre, telle forme de grenade…). Une des principales difficultés a été la séquence onirique finale, dans laquelle le héros rêve de sa femme, qu’il a été contraint de quitter et dont il n’a pas de nouvelles. J’avais imaginé quelque chose de très sensuel, presque érotique… Et, visiblement, Pastor a eu beaucoup de mal avec ça. Beaucoup moins pour dessiner les terribles soldats japonais qui martyrisent les paysans chinois: j’ai senti un grand défoulement dans ces scènes.

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Votre sujet est en effet très sensible en Chine…
Les camps d’expérimentation japonais sont familiers des Chinois, qui les visitent, enfants, lors de voyages scolaires. L’histoire des rescapés de ces camps est beaucoup moins connue. C’est aussi pour cela que je me suis inspiré du récit d’un de ces évadés.

Maruta 454 se focalise sur un personnage en particulier et nous fait vivre l’histoire par ses yeux.
Je me suis concentré sur lui afin que le lecteur l’accompagne, vive à ses côtés. Je ne souhaitais pas m’éparpiller en multipliant les personnages, ni verser dans la fiction didactique, de peur d’ennuyer. Ainsi, je ne mets pas en scène Ishii, le médecin à l’initiative de ces camps, et je ne décris pas toutes les expérimentations menées sur les cobayes humains. maruta_prisonnierJe préfère une bande dessinée qui donne envie d’en savoir plus sur un sujet, qu’un album qui dit tout. Le dossier documentaire en fin d’ouvrage vient donc compléter le récit, partiellement inventé, d’un homme en particulier.

Qui est-il, ce Ziyang Wang?
Son témoignage n’a été recueilli qu’au début des années 80, par un historien chinois qui avait retrouvé la trace d’un camp d’expérimentation construit dès 1932. Je me suis donc inspiré du récit de son arrestation, de son internement, de sa fuite et de la façon dont il rejoint la résistance communiste. Ensuite, je n’ai eu qu’à imaginer des traits d’union entre tous ces événements: lui donner un métier, une famille, des aspirations. J’ai souhaité en faire un type ordinaire, en tout cas sûrement pas un surhomme.

Votre album sera-t-il publié en Chine ou au Japon?
En Chine, très probablement. Au Japon, aucune chance. C’est inenvisageable, car la question des crimes de guerre nippons est taboue là-bas. Et le plus grand tabou est certainement celui des camps d’expérimentation. Le pouvoir politique japonais n’a jamais formulé d’excuses officielles sur les exactions. De plus, les médecins et militaires responsables des programmes d’expérimentations sur des cobayes humains et des armes bactériologiques utilisées en Chine ont été protégés à la sortie de la guerre, notamment par les Américains qui voulaient éviter que les Soviétiques ne mettent la main sur les résultats de ces recherches. maruta_electrode Un film comme Les Démons à ma porte [qui narre un épisode terrible de l’occupation japonaise en Chine et a obtenu le Grand Prix du festival de Cannes en 2000] n’a jamais été distribué au Japon. Alors mon livre…

Avez-vous d’autres projets de bandes dessinées?
Oui. Il devrait y avoir une suite à Maruta 454, qui racontera la vie de Wang dans la résistance, la recherche de son épouse… Mais je travaille déjà à un récit sur la vie d’une jeune Chinoise d’aujourd’hui, en collaboration avec une dessinatrice de là-bas justement: comment envisage-t-elle son avenir dans un pays qui s’ouvre au monde et qui sera la grande puissance du XXIe siècle? uels sont ses rêves, ses espoirs ?…

Propos recueillis par Benjamin Roure

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bouton_nbd Maruta 454.
Par Song Yang (direction artistique), Pastor (dessin) et Paul-Yanic Laquerre.
Xiao Pan, 21 €, le 3 novembre 2010.

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Images © Xiao Pan.

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Commentaires

  1. Francis Pincemoi

    200 pages en moins de trois? Est ce possible? Sérieusement?

  2. Francis Pincemoi

    200 pages en moins de trois? Est ce possible? Sérieusement?

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