Paysage après la bataille
Une femme arrive dans un camping et loue un bungalow. Elle se prénomme Fany et semble sans bagage. Elle a jeté son téléphone et ne possède finalement d’important qu’une photo, représentant une petite fille. On est hors saison, et Fany obtient le calme et le silence qu’elle recherche. Seules présences pour la ramener quelque peu à la vie, un couple de retraités, gentils mais un peu invasifs, un bûcheron dépressif et inquiétant, et le patron de l’endroit, qui rêve d’ailleurs en assemblant les puzzles de paysages exotiques collectionnés par sa grand-mère disparue.
De mort et de deuil, il est question dans tout cet épais livre de plus de 400 pages, signé des Belges Éric Lambé et Philippe de Pierpont (La Pluie, Un voyage…). Mais outre le scénario lui-même, ténu et finalement fort simple, c’est la recherche graphique qui impressionne ici. En faisant se percuter les images, en entremêlant les dessins – des corps, des visages, des objets, des décors – et en n’hésitant pas à jouer l’abstraction, les auteurs créent un univers visuel mouvant et signifiant. Un petit monde graphique puissant et sensitif, sous des dehors plutôt froids (ligne claire, teintes grises et rose pâle). Les pages s’enchaînent souvent sans texte, les traits se fondent et se confondent, mettent en exergue l’absence, le manque, la douleur. Et si tout n’est pas immédiatement perceptible ni compréhensible, l’expérience visuelle et narrative finit par être hypnotique et bouleversante. Et il ne sera plus jamais possible de considérer la bande dessinée autrement que comme un art à part entière.
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