Pendant que le loup n’y est pas
Valentine et Mathilde sont deux enfants ordinaires dans la Belgique des années 1990 : elles vont à l’école, lisent, dessinent ou déménagent, nouent des amitiés et affrontent l’hostilité des jeunes de leur âge. Seulement voilà, non loin rôde le loup. Il apparaît au détour d’un film interdit aux moins de 18 ans ou d’un geste déplacé. Chaque jour, « il y a des enfants qui disparaissent »… Entre sortie de l’enfance et peur d’entrer dans l’âge adulte, l’existence de Valentine et Mathilde se conjugue à l’incertitude de lendemains troubles…
Premier livre pour ces deux auteures belges et premier joli coup. Si l’histoire contée l’a été des centaines de fois avec plus ou moins de réussite, l’intérêt de Pendant que le loup n’y est pas réside moins dans son « scénario » que sa mise en scène et l’interprétation graphique qu’en donnent les deux auteures. Mêlant leur style, entre rondeurs, naïveté et sens du détail, elles sondent moins le fameux passage à l’âge adulte qu’un état transitoire entre le monde de l’enfance – pur, doux, violent – et la réalité des grands – interdits, excès, mensonges. La candeur se mue alors en désenchantement, le conte en sourde angoisse et la vérité, souvent cruelle ou surprenante, éclate au grand jour.
La grande force de l’album tient ainsi dans ses partis-pris graphiques, jamais redondants, et cette manière de semer le trouble dans la Belgique des années Dutroux. Angoisse de la réalité, peurs de l’enfant qui découvre un monde dont le sens lui échappe en partie, entre isolement et non-dits éloquents. Résultat, le lecteur s’attache à ces voix et destins universels, charpentés par une lancinante inquiétude.
Conçu au crayon papier et à quatre mains, le graphisme se nourrit d’un découpage vif et d’un trait foisonnant ou délicat, à même de réactiver les fragments d’un passé lointain. Le mal est là, tenu à faible distance d’existences à l’équilibre instable. D’une touchante fragilité, l’album réveille toute l’innocence d’un imaginaire et restitue avec force cette impression d’un passé encore présent aux sensations et émotions enfouies. De beaux débuts !
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