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Pénélope Bagieu et Boulet affrontent « La Page blanche »

6 février 2012 |

la_page_blanche_introVéritables stars de la blogosphère BD, Pénélope Bagieu et Boulet sont avant tout des auteurs de talent, qu’on ne peut résumer à leurs œuvres à lire en ligne. Leur association pour l’album La Page blanche, si elle ne doit rien au hasard, prouve que la première est une dessinatrice de talent, fine et plus maligne qu’on ne le croit, et que le second est bien un scénariste intelligent et drôle, qui porte un vrai regard sur la société d’aujourd’hui. Rencontre avec deux créateurs complices, autour de l’histoire d’une jeune femme amnésique, qui cherche à tout prix à être quelqu’un.

la_page_blanche_miroirComment est né ce projet ?
Pénélope Bagieu : Boulet et moi nous connaissions déjà, bien sûr, mais nous n’avions jamais travaillé ensemble. C’est Guy Delcourt qui a orchestré cette rencontre : il m’avait proposé de faire un livre avec lui et j’avais répondu que je cherchais un scénariste.
Boulet : Quand Guy Delcourt — qui a bien entendu associé deux blogueurs par hasard — m’a demandé si j’avais un projet à proposer à Pénélope, ça a tout de suite fait tilt. J’aime beaucoup son travail, et j’avais justement un scénario en cours, dont j’avais déjà écrit une vingtaine de pages.

Pourquoi ne l’avez-vous pas mis en images vous-même ?
B. : Ces dernières années, mon dessin s’est davantage orienté vers un style comique. Je craignais que, illustrée par moi, La Page blanche verse dans la grosse farce. En écrivant cette histoire, je me suis donc rendu compte qu’il fallait que je la fasse dessiner par quelqu’un d’autre. La proposition de Delcourt est tombée à pic.
P.B. : Quand j’ai su que Boulet avait un scénario pour moi, j’ai eu du mal à croire qu’il s’abstiendrait de le dessiner, de se priver de tout le côté sympa !

la_page_blanche_timelineD’où vient cette histoire d’amnésie ?
B. : La mémoire est un sujet qui m’intéresse beaucoup, j’ai lu pas mal de choses là-dessus. Difficile donc de trouver la source de ce récit. Il y a tout de même ce fait divers lu il y a longtemps, l’histoire d’un homme qui perd la mémoire, qui ne reconnaît plus personne, mais qui en tire une certaine sérénité, un vrai bien-être alors qu’il était très stressé auparavant. Je pense aussi au livre du médecin Oliver Sacks, L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, dans lequel il décrit, par exemple, le cas d’un patient qui avait perdu toute mémoire entre ses 18 et ses 60 ans, ainsi que la mémoire immédiate ; il se croit jeune homme, et dès qu’il se voit dans un miroir, il est évidemment bouleversé. Puis, cinq minutes plus tard, il se croit jeune à nouveau.
P.B. : De mon côté, je me souviens avoir retrouvé une boîte avec, à l’intérieur, une vieille radio de mes dents, une carte de métro ou de bibliothèque du temps où je vivais à Londres… Et je me suis demandée alors ce que ces objets disaient sur moi.

Comment avez-vous travaillé à deux ?
B. : Je ne sais pas écrire de scénario juste avec des mots, je raisonne toujours en termes d’images. Et puis, quand je me mets à dessiner, même une sorte de story-board, je ne peux pas m’empêcher de dessiner « fini ». Le découpage des premières pages était donc très détaillé, mais Pénélope m’a engueulé…
P.B. : C’est une gymnastique très difficile de refaire des planches déjà presque réalisées. C’est même paralysant. J’ai donc demandé à Boulet de tout refaire avec des bonshommes patates.
B. : Et Pénélope a eu raison. Il faut laisser son dessinateur s’emparer de l’histoire, l’interpréter. Cela provoque parfois des malentendus, mais au final, j’ai été surpris par mon propre scénario.
P.B. : On peut faire un parallèle avec le cinéma, avec le metteur en scène d’un côté, et l’acteur de l’autre, qui fait vivre l’idée du premier, à sa manière.

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À l’heure des mails, de Facebook, des photos entassées sur son ordinateur, peut-on vraiment ne pas découvrir qui l’on est, si on fouille un peu ?
la_page_blanche_piqureB. : Je le pense. En fouillant ses affaires, Eloïse ne retrouve finalement qu’une mue d’elle-même, une enveloppe extérieure, une concrétion de choses qui appartiennent à tout le monde (les bouquins à succès, les films en DVD que chacun a vu au moins une fois…) mais qui ne disent pas, en creux, qui elle était vraiment.
P.B. : Si on débarque chez moi, je ne suis pas sûr qu’on trouve grand-chose qui me définisse vraiment. Faites le test chez vous.

Votre héroïne imagine plein de causes folles à son amnésie…
B. : Elle raisonne en référence à l’imaginaire collectif, forcément. Si quelqu’un vous dit qu’il a vu, la nuit à la campagne, une lumière verte partir du sol et monter vers le ciel, vous pensez immédiatement aux extraterrestres, et pas aux dizaines d’autres explications possibles.
P.B. : Il est nettement plus charmant et excitant de dire « j’ai été enlevée » que « je suis tombée ».
B. : Et puis, dans son enquête, il faut qu’elle explore toutes les pistes de sa perte de mémoire et d’identité. Elle va d’ailleurs passer par toutes les étapes d’un deuil : le déni, la colère, la négociation, l’acceptation…

Vous êtes-vous particulièrement documenté sur l’amnésie ?
B. : J’ai demandé à des amis médecins ou psys de me dire comment ils réagiraient face à un tel cas. Tous m’ont répondu, je le savais, qu’il s’agissait d’une amnésie de film, une amnésie qui n’existe pas. Car, même si on compare souvent le cerveau humain à un ordinateur, leur mode de fonctionnement n’ont absolument rien à voir ! On ne peut pas effacer comme ça un souvenir du cerveau, encore moins faire un reset complet ! Les souvenirs se mélangent, avec des gestes, des odeurs, ils sont mouvants. Il était important que le cas d’Eloïse ne soit pas crédible, car sinon, j’aurais été obligé de résoudre l’intrigue de manière logique.

Et en même temps, vous la faites évoluer dans un Paris détaillé, palpable…
P.B. : Oui, ce décor crédible, avec ses objets et ses lieux reconnaissables, était important, pour créer la distance nécessaire avec les parenthèses imaginaires.

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Boulet, vous aviez déjà abordé le thème de la mémoire lors de l’exposition performance Hypermnésie, au Bocal, à Lyon.
B. : L’idée était de sauver des bribes de mémoire. Les gens me racontaient un souvenir et je le dessinais. Ça m’a appris beaucoup de choses sur la mémoire, par exemple comment les souvenirs se modifient avec le temps, avec les images auxquelles on les associe. Par exemple, quelqu’un m’a raconté une scène avec son grand-père; j’ai dessiné tous les détails dont il se souvenait, mais j’ai ajouté une armoire en arrière-plan. À la vue du dessin, il était très ému. Puis il m’a dit ensuite que cette armoire n’avait jamais existé, mais qu’elle faisait désormais partie de son souvenir, il ne pouvait plus l’éluder. C’est cela qui est intéressant avec la mémoire : on ne la maîtrise pas.

Pénélope, après votre Cadavre exquis, qui a été une épreuve solitaire parfois difficile à surmonter, comment avez-vous abordé le dessin des 200 pages de ce nouvel album ?
la_page_blanche_armeP.B. : À peu près de la même manière, mais sans avoir des nœuds dans le ventre sur des questions de mise en scène…
B. : …c’est moi qui les ai eus, ces nœuds !
P.B. : J’ai dessiné au fur et à mesure, en découvrant le scénario pas à pas. Je découvrais donc Eloïse en même temps qu’elle; mon dessin s’affirme ainsi au fil des pages, comme elle. Car au départ, elle n’était pas si facile à dessiner, c’est une fille moyenne, ni jolie, ni vilaine, ni bête, ni brillante, une fille banale, un peu par défaut.

Ne craignez-vous pas que certains ne voient dans La Page blanche qu’un nouveau bouquin de blogueurs ?
B. : Il est évident que certaines personnes vont réagir de la sorte. On le savait, c’est une donnée de base, on ne va pas y échapper, mais c’est comme ça.
P.B. : Et en même temps, il faut être réaliste, nos blogs ne sont pas des boulets à la patte.

Quels sont vos projets ?
B. : J’ai encore une année complète de notes de blogs à adapter en livre, pour un Notes #7. Et je pense faire un huitième tome qui rassemblera les histoires réalisées pendant les 24 heures de la BD, auxquelles je participe chaque année à Angoulême. Et puis, je développe des choses dans mon coin, en cachette… [sur son blog, on peut lire son histoire Le Ténébreux réalisée pendant les dernières 24h de la BD d’Angoulême (note du 30/01/2012) et des recherches pour son projet secret d’aventures (note du 23/01)]
P.B. : Je vais à nouveau travailler avec un scénariste, en la personne de Joann Sfar. Pour une série jeunesse qui se déroulera dans l’espace. Et, je vais écrire un peu, ça me titille.

Où en sont les adaptations au cinéma de Joséphine et Cadavre exquis ?
P.B. : Joséphine sera en tournage l’été prochain, avec Audrey Lamy dans le rôle titre. Et Cadavre exquis est en phase de financement. Mais je précise que je ne m’occupe pas de l’adaptation, je regarde ça d’un peu loin.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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bouton_nbdLa Page blanche.
Par Pénéloge Bagieu et Boulet.
Delcourt, 22,95 €, le 18 janvier 2012.

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