Pepito – Anthologie #1 ****
Par Luciano Bottaro et Carlo Chendi. Cornélius, 25,50 €, septembre 2012.
Longtemps annoncée, longtemps repoussée, la réédition de Pepito ressemblait un peu à l’un de ces serpents de mer dont le monde du livre a le secret. Jean-Louis Gauthey, patron de Cornélius et éternel amoureux du travail de Bottaro, en parlait déjà dans une interview, en l’an 2000… Une telle attente est facteur de risque : la déception face à un livre ne méritant pas tout ce suspense est si vite arrivée.
Ce suspense, je ne le ferai pas durer plus longtemps : le livre est magnifique. Bel ouvrage relié, à la maquette élégante, il réunit dix histoires impeccablement reproduites, en noir et blanc, trichromie ou couleur. Le soin apporté aux planches est un vrai bonheur pour les yeux et le talent de Bottaro, au trait plein de clarté et de rondeur, s’étale sans retenue.
Les nostalgiques ayant lu Pepito dans leur enfance le redécouvriront donc dans les meilleures conditions. Ceux qui ne le connaissaient que vaguement n’ont plus d’excuse et se doivent de plonger dans les aventures drolatiques de ce petit corsaire malicieux affrontant sans cesse le grotesque gouverneur de Las Bananas. Si les récits, parfois écrits avec la collaboration de Carlo Chendi, sont assez classiques dans l’ensemble, on est très vite séduit par leur rythme impeccable et la force des rebondissements. Bottaro use parfois d’une belle liberté de ton, n’hésitant pas plonger dans un humour absurde, ou à remettre en question de manière frontale l’autorité. Des qualités assez rares dans des publications jeunesse ouvertement destinées à la grande consommation.
L’ouvrage comporte également une longue préface de David Amram, qui tient d’ailleurs plus de la postface critique que de l’introduction. Elle apporte une lecture théorique riche, parfois un peu aride, mais plusieurs idées intéressantes sont lancées. On s’y interroge notamment sur l’usage abondant du déguisement et de la cacherie dans Pepito, et l’on apprendra beaucoup sur le possible questionnement de Bottaro sur le statut d’auteur.
Difficile donc de ne pas être emballé par un ouvrage qui tient toutes ses promesses et permettra de combler tous les lecteurs. Concurrent sérieux au Fauve du Patrimoine 2013 à Angoulême, ce travail de haute voltige n’amène qu’un regret : Bottaro, disparu en 2006, n’aura pas eu l’occasion de voir ce bel hommage.
Maël Rannou
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