Peste
Les bestioles les plus trapues, les plus féroces, les plus griffues ne lui font pas peur. Mieux, elles l’enchantent, tant qu’elles ont un pelage rare, aux motifs chatoyants, comme par exemple la superbe et dangereuse Panthera Pardus. Apolline est une chasseuse courageuse, admirable, qui officie pour une maison de couture — baptisée Peste, comme cet étonnant roman graphique. Avec ses collègues Olivier et Maschine, elle fait tourner leur petit business dans le royaume de Bordevalain.
Cette « cité-état » est entièrement centrée sur la mode, et rien n’y est plus important que la façon de se vêtir, si possible avec des habits aux matériaux coûteux et à la coupe improbable et osée. En se mettant au service d’un étranger qui vient d’arriver (et apprend l’importance des vêtements qu’il va commander), le trio découvre les turpitudes qui agitent les plus hautes sphères du royaume : le prince, avide de pouvoir, s’apprête à écarter son père et sa soeur de la plus violente des façons, pour accéder au trône…
Dans Peste, le parti pris de Gauvain Manhattan est ambitieux et radical. D’abord narrativement, avec une intrigue dense, complexe, où le lecteur se perd parfois. Il y mêle des thèmes originaux (la chasse, l’écologie, la mode), dans un décor familier des amateurs de fantasy — ou de contes de fée. Ses héros et héroïnes sont atypiques, tantôt mouvants, tantôt attachants, jamais où on les attend. Son usage de l’écriture inclusive, au début particulièrement lourd, finit (à la force des 250 pages…) par gagner qui le lit, d’autant qu’il vient cimenter un propos assez féministe.
Il épate par son graphisme tranché : un noir et blanc sobre, auquel il ajoute, de façon dosée, des dégradés de rouge. Parfois fouillis, son trait et son découpage ne manquent toutefois pas de dynamisme. Les animaux sont admirablement dépeints, et les défilés de mode, très « civilisés », viennent comme contrepoint à des scènes sauvages. Si cette Peste ne manque pas d’imperfections, elle marque formidablement par sa verve et son audace.
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Très jolie BD, et qui prouve bien que l’écriture inclusive est une question d’habitude.
Les dessins sont magnifiques, même si certains croquis de mode auraient pu être plus audacieux (c’est quand même une partie importante de l’histoire).
Mais dans l’ensemble c’est original et ça repose d’avoir enfin des BD safe au niveau de la misogynie.
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