Petit Poilu, héros gourmand pour petits et grands
Il fait le bonheur des tout-petits et enchante les plus grands. L’histoire commence toujours de la même manière. Après avoir embrassé tendrement sa maman, Petit Poilu prend la route de l’école d’un pas décidé, son sac bien accroché sur le dos. Mais voilà, en chemin rien ne se passe jamais comme prévu, notre héros se retrouve toujours embarqué dans de nouvelles aventures, pleines de rencontres extraordinaires et d’expériences enrichissantes. Sans le moindre texte, les péripéties de ce petit bonhomme transportent le lecteur dans des endroits insolites et colorés, peuplés de personnages attendrissants. Avec cette série, Pierre Bailly, que l’on connaît notamment pour sa participation à l’excellente BD jeunesse Ludo, et sa compagne Céline Fraipont ont réussi à créer un univers gourmand où les plus jeunes peuvent laisser libre court à leur imagination tout en s’initiant à la bande dessinée. Le cinquième tome des aventures de Petit Poilu étant tout juste sorti en librairies, nous en avons profité pour poser quelques questions à ses auteurs.
Comment a commencé l’aventure Petit Poilu ?
Céline Fraipont: J’ai démarré dans la BD il y a dix ans, avec une histoire courte et muette intitulée Léa, que Pierre avait dessinée de manière très libre, en noir et blanc. Cette histoire était sortie en petit livre aux éditions Enigma. C’était juste pour m’amuser, mais cela m’a donné le goût pour la narration muette. En 2004, nous avons eu une petite fille et très vite, je me suis mise à lui lire des livres de toutes sortes. Puis un jour, j’ai eu envie de lui lire une bande dessinée. Je suis donc partie à la recherche d’une BD adaptée aux enfants qui ne savent pas encore lire. J’étais persuadée que cela existait déjà ! Après maintes fouilles, je n’ai rien trouvé et je me suis dit que c’était dommage, qu’il y avait pourtant moyen de raconter de chouettes histoires sans textes ! J’ai alors commencé à plancher sur l’idée en faisant des essais auprès de ma fille. Il fallait un personnage attachant, mignon et Pierre a dit: « Il faut qu’il soit poilu !»
Comment Petit Poilu est-il venu intégrer les rangs de la collection Puceron ?
C.F.: Le hasard a fait qu’au moment où nous réfléchissions à quel éditeur nous allions pouvoir présenter notre projet, les éditions Dupuis pensaient à la mise en place d’une collection pour un très jeune public. Le concept de Petit Poilu les a convaincus et ils se sont calqués sur ce principe pour leur collection Puceron.
Cinq parutions depuis janvier 2007, c’est un rythme soutenu. Comment s’organise votre travail ?
C.F.: J’écris l’histoire case par case et de bout en bout. Ensuite, Pierre se met à la dessiner de façon rapide, en plaçant bien les éléments piliers de l’histoire. Cette étape se fait ensemble, comme ça je peux apporter des précisions en direct, parfois mimer des positions ou rectifier des erreurs sur le tas. Après, je m’empare de ce premier jet et je fais du copier-coller. Avec mes ciseaux et ma colle, je transforme encore les choses pour les rendre les plus lisibles et les plus précises possible. C’est un peu comme du montage finalement. Puis, quand tout est bien en place, Pierre reprend les pages pour le crayonné final et l’encrage. C’est un chouette «ping-pong», très riche et l’on s’amuse beaucoup malgré la rigueur que cela demande.
Pierre Bailly: Céline est très organisée, moi je suis tout le temps à la bourre. En plus, au fil des albums, elle met en scène de plus en plus de personnages… simultanément. Mais la taille des cases, elle, ne change pas ! Je travaille au chausse-pied.
C.F.: Le découpage est l’étape la plus importante. C’est très gai de découper une histoire mais c’est aussi très compliqué. Surtout quand on ne peut pas se reposer sur le texte ! Il faut beaucoup chipoter, retourner le cube dans tous les sens et ne pas hésiter à recommencer toute une séquence quand on doute de sa clarté. Puis, un découpage de Petit Poilu demande de la fantaisie aussi ! Il faut être ludique dans ses idées. Je me mets tout le temps dans la peau d’un enfant en faisant cette étape du boulot.
Petit Poilu est un succès (45000 exemplaires de la série écoulés à ce jour). Comment avez-vous réussi à séduire les enfants et aussi les plus grands ?
C.F.: Le succès de Petit Poilu vient sans doute du fait que la BD pour les tout-petits n’existait pas encore vraiment auparavant. Le personnage est vraiment sympathique et les histoires, très fluides, sont toujours porteuses d’un message humaniste susceptible de faire réfléchir l’enfant.
P.B.: Nous essayons d’embarquer le lecteur dès la première case, de ne pas casser la chaîne. Le rythme entre les cases et la durée des ellipses sont des éléments primordiaux: tout doit couler naturellement.
Quelles sont vos inspirations et influences en matière de récit sans parole ?
C.F.: J’adore les films muets bien sûr, Chaplin et surtout Méliès qui est très fantasmagorique. Puis, il y a aussi le dessin animé La Petite Taupe de Zdenek Miller, très riche en mise en scène muette, et La Linea de Cavandoli.
P.B.: En BD muette, j’adore le boulot de Fabio, son chat en fil de fer aux éditions du seuil, c’est du Chaplin. Les marionnettes aussi, Tchantchès (une sorte de Guignol liégeois), et Sesame Street. J’aime également beaucoup le trait de Tomi Ungerer, de Steinberg, de Sempé.
Comment avez-vous conçu le graphisme général de la série ?
C.F.: Il fallait un graphisme très simple, direct mais vivant aussi. La ligne claire nous paraissait une évidence pour une bonne transmission de l’histoire. La mise en couleurs est faite par ordinateur et nous veillons toujours à ce qu’elle ne brouille pas la mise en scène.
P.B.: Quand nous hésitons entre deux tons ou deux contrastes, nous choisissons toujours le plus narratif, celui qui transmet le mieux l’émotion de l’ensemble de la séquence. L’esthétique ne guide jamais nos choix. Les images sont très plates, elles fonctionnent un peu comme des panneaux routiers.
Tous les albums de Petit Poilu débutent et se terminent de la même manière, avec tout au long de l’histoire des situations que l’on retrouve dans chaque récit. Aviez-vous pensé à ce concept dès le début de la série ?
C.F.: Oui, nous avons pensé à toutes ces choses dès le départ. Il y a aussi le petit sac à dos de Petit Poilu duquel il peut sortir ce qu’il veut.C’est magique, et ça nous aide bien au niveau des histoires ! Il y a aussi le moment où Petit Poilu regarde la photo de sa maman qui correspond à un moment de détresse, de blues et qui lui permet toujours de trouver l’énergie pour continuer son chemin. Puis, la poignée de main avec les personnages qu’il rencontre est récurrente aussi. Elle est importante car elle montre un Petit Poilu ouvert aux autres, toujours prêt à faire de nouvelles rencontres.
P.B.: Céline est arrivée avec le concept global, très précis où toutes les histoires sont possibles. Il fallait un terrain de jeux très ouvert, ne surtout pas se coincer. J’ai apporté l’aspect graphique.
Le verra-t-on enfin un jour arriver à l’école sans encombre ?
C.F.: J’aimerais vraiment le mettre dans un univers scolaire mais toujours dans le cadre de son aventure. Ce serait alors une école délirante, avec un professeur fou ou au contraire une école idéale dans laquelle on apprend des choses extraordinaires et farfelues !
Alors que Petit Poilu est le porte-drapeau de la collection Puceron, la série Ludo, elle, s’est arrêtée avec un huitième et dernier tome paru dans la collection Punaise. Pierre Bailly, n’avez-vous pas quelques regrets ?
P.B.: C’est la crise ! On a clôturé Ludo parce qu’on nous a demandé d’arrêter. Avec Denis Lapière et Vincent Mathy, nous avions encore plein d’histoires à raconter. Mais je n’ai pas de regrets: j’aime beaucoup le dernier épisode, nous nous sommes bien marrés. Le seul truc qui va me manquer, c’est que je truffais les cases de Ludo de références, de secondes lectures, de clins d’oeil. Si je fais ça dans Petit Poilu, ça brouillerait tout le propos.
Avez-vous d’autres projets, ensemble ou avec d’autres scénaristes/dessinateurs ?
C.F.: Pour le moment, je me consacre entièrement à Petit Poilu car il me prend pas mal de temps. Nous avons des projets en parallèle à la BD comme un dessin animé, des livres de coloriage, de jeux…
P.B.: Les marionnettes aussi. On verra…
Après, une usine de bonbons, l’océan, les nuages, un potager et la jungle, où Petit Poilu va bien pouvoir nous amener dans ses prochaines aventures ?
C.F.: Le prochain épisode se déroulera sous la neige, dans une grande maison bourgeoise remplie de cadeaux. Il s’intitulera Le Cadeau poilu !
Propos recueillis par Romain Gallissot
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Petit Poilu #5.
Par Pierre Bailly et Céline Fraipont.
Dupuis, 9,50 €, le 12 juin 2009.
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Images © Pierre Bailly – Céline Fraipont / Dupuis
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