Petite Maman
Stéphanie n’est qu’une adolescente quand elle accouche de sa fille Brenda. Trop jeune, bien trop jeune et trop seule pour gérer un bébé qui pleure la nuit. Alors elle craque, parfois, et une gifle tombe. Puis, le bébé grandit et devient petite fille. Qui fait des bêtises, parle à tort et à travers, portant sur les nerfs d’une mère dépassée. Qui pince, qui pousse, qui cogne. Ensuite encore, la mère se trouve un mec, qui ne supporte pas la contradiction et qui n’a que les mandales et les humiliations pour se « faire respecter ». Et Brenda au milieu ? Une jeune fille brisée.
Halim Mahmoudi, auteur de Arabico, s’attaque à un sujet lourd et difficile : les maltraitances sur les enfants, sur fond de misère sociale et de violence conjugale. Il choisit pour cela de donner la parole à son héroïne maltraitée, qui passe de bébé giflé à ado alcoolique, en passant par des années à jouer à la petite maman pour sa génitrice démissionnaire. C’est réaliste, glauque et bouleversant. Évidemment bouleversant. Et c’est bien là le souci avec cet album de fiction : Halim en fait des tonnes, s’enfonçant dans le sordide sans prendre le recul nécessaire – puisque c’est Brenda, face à son psy, qui raconte son histoire –, plongeant la tête du lecteur dans l’enfer quotidien de cette petite fille pas aimée, sans le laisser respirer une seconde. C’est sûr, c’est puissant, ça fonctionne, ça tord les tripes. Mais c’est trop et les artifices fictionnels (l’assistante sociale traumatisée et enceinte, le pitbull…) sont comme une surcouche inutile à l’horreur. Ce trait trop forcé vient aussi d’une narration qui exploite souvent mal le médium BD, là aussi en mal de distance, enchaînant des images qui ne sont que des illustrations frontales d’un texte direct.
Malgré ces vrais défauts, Petite Maman a le mérite, le grand mérite, d’attirer l’attention sur un sujet trop souvent banalisé et étouffé. Sauf quand il est trop tard et que l’on retrouve un enfant mort sous les coups de ses parents. Donc, rien que pour cela, il mérite l’intérêt. Un intérêt sincère, mais une prise de distance nécessaire.
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