Petite voleuse
Corrina a l’impression d’être coincée. Coincée dans son boulot de rédactrice publicitaire depuis cinq ans, elle qui rêvait d’écrire des romans après la fin de ses études de littérature. Coincée dans son petit appartement new-yorkais, avec son chat pour seule compagnie. Coincée dans sa vie affective, manquant de confiance en elle pour se mettre en valeur face à de potentielles conquêtes, manquant de ténacité pour affronter les sites web de rencontres. Et coincée dans cette vilaine petite habitude, la seule chose qui lui donne un petit vertige, l’impression d’être vivante: voler des magazines dans son épicerie habituelle.
Première bande dessinée de Michael Cho, artiste d’origine sud-coréenne travaillant comme illustrateur au Canada et aux États-Unis, Petite voleuse est une révélation. Optant pour un scénario très simple, l’auteur peut se concentrer sur le portrait fouillé de son héroïne, une jeune urbaine solitaire comme il y a en a des millions. Mots justes, cadrages étudiés sur des gestes quotidiens signifiants et des regards qui en disent long, coups de pinceau habiles et sensibles – et parfois proches du dessin d’humour pour dédramatiser une situation –, économie de moyens, Michael Cho démontre un vrai talent de narrateur et de metteur en scène. Ainsi qu’un potentiel de dessin impressionnant, dans un style élégant qui ne demande qu’à s’affirmer et se singulariser. Voilà donc un auteur à suivre de très très près (son prochain album, en cours de création, est déjà annoncé chez Delcourt), car il risque bien de devenir un grand, dans le sillage d’un Adrian Tomine.
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