Phagocytose
Achète, consomme, casse, rachète, mange, avale, procrée, investis, consomme… Et n’espère pas vivre une retraite paisible ou un bonheur véritable : si tu prends ton pied face à un écran pendant quelques heures par jour, ce sera déjà pas mal. Pour Marcos Prior et Danide, voilà le sous-texte à peine voilé de notre société occidentale, toute entière vouée à la consommation aveugle et au culte de l’argent.
Les auteurs catalans de Potlach reviennent en cette rentrée chez Çà et là avec un album curieux, somme de saynètes et de détournements d’images, qui brocardent tous le monde moderne, celui des smartphones et de la télé à la demande, celui de la finance spéculative et des philosophes sur YouTube. Parodie glaçante de livre illustré sur l’intérêt de mettre sur le marché de la viande une partie des enfants pauvres, sitcom ayant pour vedette le barbu Karl et son copain Engels, fausses annonces d’emplois sous-payés pour personnel surqualifiés, transformation des X-Men en X-perts du libéralisme qui martèlent que la solidarité et les services publics sont aussi dangereux que Magneto… Mais la séquence la plus frappante – et la plus démoralisante sans doute – est celle où deux publicitaires fomentent une nouvelle campagne pour une chaîne de magasins, en s’appropriant sans scrupules un slogan anti-capitaliste. Tout à fait ce qui s’est produit avec les mots de Mai 68, par exemple…
Dans un style léché, jouant sur les fonds de couleurs, les trames, les imitations de vieux papier ou de page web, Phagocytose est un condensé d’humour absurde et ironique. Parfois très juste, souvent un peu facile, toujours très militant. Mais assurément atypique et opportun par les temps qui courent.
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