Philby
Kim Philby, le plus célèbre agent double de l’histoire, rencontre un vieil ami sur un banc de Moscou, où il vit depuis sa défection à l’Est. Il raconte à cet homme vaguement inquiétant, et dont le visage demeure caché, sa jeunesse et ce qui l’a amené à devenir la célébrité que l’on connaît : son appartenance à une société secrète communiste dès ses études à Cambridge, la manière dont il infiltre le fascisme pour mieux le trahir, ses aventures amoureuses.
On a connu Pierre Boisserie (Cigarette, le Dossier Sans Filtre, Gudesonn, Les Années Rouges et Noires…) plus inspiré. Avec cette biographie romancée du fameux espion, en un tome, le scénariste frôle le naufrage. En effet, l’intérêt avoué du livre – explicité par le sous-titre « naissance d’un agent double » – qui est d’éclairer (et justifier, voire ré-habiliter), les choix de cette célébrité honnie à l’Ouest, est rendu caduc par l’absence d’une approche psychologique du personnage. Au lieu de cette plongée attendue dans la tête de Philby jeune, on se retrouve en fait avec une biographie au format tout ce qu’il y a de plus classique, voire poussiéreux, privée de la partie la plus romanesque (et intéressante) de l’existence de l’espion, laissée de côté. De plus, cette structure narrative linéaire opte pour un cliché maladroit du récit d’espionnage – deux personnages, l’un au visage caché, assis sur un banc public – et mène à un dénouement injustifié, parachuté comme un cheveu sur la soupe.
Le talentueux Christophe Gaultier (La Tragédie Brune, Là où naît la Brume, Le Porteur d’Histoire…) fait ce qu’il peut pour redresser la barre, mais sauf à se faire lui-même scénariste, il ne peut pas grand chose. D’autant que, même si son trait épais est toujours agréable et juste, il manque de dynamisme pour cette action déjà molle.
Sur le même passionnant sujet, au demeurant, on se reportera sans hésiter sur la récente trilogie, bien plus talentueuse, Les Cinq de Cambridge, ou encore l’excellent roman de John Le Carré, La Taupe (et son adaptation cinématographique non moins brillante), inspiré de la trajectoire de Kim Philby.
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