Pinocchio ****
Par Winshluss. Les Requins Marteaux, 30 €, le 28 novembre 2008.
Comme son titre l’indique, il est question ici d’un petit personnage créé de toutes pièces par un inventeur malin, et à qui il arrive des tonnes de mésaventures. On y rencontre une baleine, un certain Stromboli, et une conscience sous forme d’insecte dans la tête du petit héros. Mais l’analogie avec le conte italien de Collodi s’arrête là. Car le Pinocchio de Winshluss est un petit robot conçu pour faire la guerre, habité par un cafard branleur du nom de Jiminy et qui sera confronté plus ou moins malgré lui à la frustration, la misère, la violence, la pollution, la haine, la manipulation… Enfin, tout ce qui fait que notre monde n’est pas joli-joli.
Le monde est même ignoble sous le crayon de Winshluss, créateur avec Cizo de l’indispensable Monsieur Ferraille. Pinocchio ressemble d’ailleurs à un petit cousin totalement passif du robot amoral, fer de lance de l’éditeur Les Requins Marteaux. Son parcours dans la vie permet à Winshluss de piétiner les principes du capitalisme dans ce qu’il a de plus abject, de tourner en dérision les affolés de la foi et de pasticher (de manière bien crade) les jolis dessins animés de Dinsey. Graphiquement, l’auteur invoque ainsi le trait des années 40-50, pour mieux le détourner.
Tous les éléments des contes pour enfants sont réunis et déformés ici, dans une bande dessinée magistrale, parfois potache, souvent dégueulasse, toujours juste. Nommé pour les Essentiels d’Angoulême, Winshluss pourrait bien créer la surprise et emporter le prix du meilleur album avec ce livre de toute beauté, BD incontournable de ces dernières années.
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