Pittsburgh
Les parents de Frank Santoro sont divorcés. Ironie de l’histoire, ils travaillent dans le même hôpital – la nouvelle usine de Pittsburgh –, s’y croisent sans jamais s’adresser la parole. Et font semblant de ne pas se voir, vingt ans après leur séparation. Comment en sont-ils arrivés là ? C’est ce que va tenter de comprendre Frank, leur seul lien désormais, plongeant dans le chaos familial. De la guerre du Vietnam à la boutique du grand-père en passant par les origines italo-écossaise ou irlandaise de sa famille et belle-famille, il va éclairer les zones sombres pour mettre des mots sur ce choc qu’a été le divorce de ses parents.
Après le fascinant Pompéi, on retrouve l’auteur américain Frank Santoro dans un touchant récit familial en forme d’autobiographie. Si son histoire paraît ordinaire – un enfant bouleversé par la séparation de ses parents – entre non-dits et incompréhensions, Pittsburgh vaut surtout par l’expérience graphique qu’en tire l’auteur. Car le début de cet album en grand format est éblouissant. Mais rapidement l’auteur se perd, et nous perd avec, dans une généalogie confuse, à l’image du flou qui l’habite pendant toutes ces années en raison d’une mémoire en pointillé. Sur le fond, c’est réussi. Pour le lecteur, c’est parfois aride ou ennuyeux (« Je n’ai rien su de toutes ces histoires avant d’approcher la trentaine, tout a refait surface longtemps après le divorce« ). Les souvenirs d’une famille décomposée affleurent et quelques réponses émergent : traumatisme de la guerre du Vietnam et rôle de tampon joué par le père, alcoolisme de la belle-famille, adultère… Mais l’originalité vient surtout du parti-pris graphique, image poétique du puzzle familial dont il faudrait rassembler les pièces manquantes : feutres pop épais, pastel, crayons fins ou esquisses au trait fragile, collages, images floutées, contrastes de couleurs et d’ambiances, Santoro utilise toute une grammaire visuelle pour dessiner sa catharsis et incarner de nombreux personnages, immergeant avec une force rare. Sans oublier la vraie « star », l’industrielle et austère Pittsburgh, pivot de la Rust Belt américaine qui renaît en couleurs au détour d’une ruelle, d’un lotissement résidentiel ou d’un boulevard d’usines désaffectées. Ville-boussole qui cristallise d’ailleurs les ressentis ambivalents des personnages. Un album émouvant finalement, à l’équilibre fragile avec son langage visuel en mouvement.
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