« Pogo », un classique du comic strip enfin réédité
Pogo enfin réédité en France ! Les purs et durs l’attendaient depuis presque 50 ans (1966), date de sa première parution dans l’Hexagone. L’éditeur Akileos répare l’injustice en se lançant dans le projet un peu fou de publier douze tomes de 300 pages environ, regroupant l’intégralité des strips de cette série pionnière, bandes quotidiennes et pages du dimanche en couleur.
Débutée dans les années 1940 comme un comic-book animalier pour enfant (dans Animal Comics), Pogo devient en 1948, dans les pages du New York Star, un strip quotidien destiné aux adultes jusqu’à la mort de son auteur, Walt Kelly, en 1973. Pour décor, un marais imaginaire du Sud des États-Unis, celui d’Okefenokee. Pour acteurs, Pogo l’opossum donc, et son ami Albert, un alligator. L’un est plutôt calme, modeste, réservé et philosophe quand l’autre se révèle franc, buté et irascible. Outre ces deux personnages emblématiques, certains spécialistes en ont compté plus de 500 dans l’histoire de la série ! Parmi eux, Porkypine, un porc-épic bougon, Miss Grenouille, Churchy ou encore Sam, vendeur de machines à compter jusqu’à 317 milliards… soit une petite ménagerie d’une cocasserie délirante.
Flirtant souvent avec la controverse, au début de la guerre froide ou dans le contexte de la lutte antiségrégationniste, Pogo, investi d’une conscience sociale et politique, a tracé un nouveau chemin dans le genre du strip humoristique, s’adressant moins à un public vaste que fervent, souligne Milton Caniff (l’auteur notamment de Terry et les Pirates). Mêlant gags surréalistes ou nonsensiques mais toujours drôles, fins jeux de mots et critique de son temps, Walt Kelly insuffla la pensée à ses animaux anthropomorphes pour esquisser un discours moderne et aiguisé : maccarthysme, nucléaire, racisme y sont ainsi tournés en dérision, sous le crayon rond, fin et vivant de l’auteur, idéal non pas pour servir le propos mais plutôt faire corps avec. Le résultat est enchanteur.
Alors, « un classique indémodable » ce Pogo ? Oui, une vraie pépite, fondatrice et accessible malgré sa réputation de BD « intellectuelle ». Qui d’ailleurs ne dépareillera pas à côté de Peanuts ou de Krazy Kat sur vos étagères. Côté édition, un travail de qualité, documenté et sobre, qui transmet l’héritage avec conviction. Un classique incontournable donc, sélectionné au prochain Festival d’Angoulême, et encensé par un maître du comic strip, Bill Watterson en personne, le père de Calvin et Hobbes : « Il y a eu quelques strips drôles et imaginatifs depuis Pogo, bien sûr, mais aucun n’a si parfaitement tiré avantage de ce mode d’expression. Pogo nous montre ce qu’un comic strip peut vraiment être. »
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Pogo, l’intégrale #1 (1949-1950).
Par Walt Kelly.
Akileos, décembre 2014.
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