Pompéi
Pompéi, an 79. Flavius, peintre renommé mais volage, entretient une liaison avec une princesse de Rome, loin des yeux d’Alba, sa femme. Son assistant Marcus, cantonné à la préparation des couleurs, tente d’apprendre son métier tout en servant de couverture à l’infidélité de son maître. Mais une catastrophe, l’éruption du Vésuve, va sceller pour toujours le destin de la ville…
Sentiments universels, nobles ambitions artistiques, questionnements existentiels, personnages condamnés par une nature capricieuse… L’auteur américain Frank Santoro réunit tous les ingrédients d’une tragédie amoureuse sur fond de catastrophe historique réelle, qui devrait en surprendre plus d’un. Car, on l’aura compris, l’originalité ne vient pas de l’intrigue, parfaitement banale, mais bien de l’étonnant parti-pris graphique. Dans Pompéi, peu de détails mais le souci de viser juste. Derrière l’apparente naïveté de l’ensemble, se dégage peu à peu, au fil de la lecture, une expressivité bluffante et touchante. On ressent la chaleur suffocante de l’éruption, la fragilité des sentiments, l’urgence de la catastrophe, la grâce des corps. Jamais transparents bien qu’à peine croqués, les personnages habitent littéralement le récit. Flavius et Marcus, pris dans leurs tourments, tentent d’échapper à l’éphémère en fixant sur une toile ou un mur l’éternelle beauté d’un visage ou d’un paysage.
De l’esquisse au crayonné, le trait jeté de Santoro tire alors sa force des contrastes de couleurs et d’ambiances autour du sépia. Par son langage visuel en mouvement et la belle énergie mise dans les expressions ou postures, Santoro invite à l’immersion et laisse faire le reste au lecteur. Imaginer, ressentir, trembler. Pari délicat mais réussi. Et même si le dessin risque, hélas, d’en rebuter plus d’un, faire l’effort de dépasser la première impression est finalement récompensé. Car l’équilibre entre fond et forme, sans faille, est ici d’autant plus beau qu’il est instable. Pompéi, emballant drame antique tout en tension, évite donc le grand spectacle pour lui préférer une fresque intime, comme une peinture des sentiments étonnante de justesse et de vérité.
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