Cette planète et ses habitants vivent dans un équilibre social et écologique précaire. Ses plages, forêts, villages sont régulièrement la proie du passage et d’attaques de géants. Des Cyclopes que les habitants – humains augmentés ou transformés, détenant pour certains des pouvoirs physiques ou psychiques hors du commun – ne font que repousser sans chercher à les annihiler. Car l’équilibre de la planète en pâtirait durablement, selon leurs décideurs. Devant des Cyclopes de plus en plus aveugles et violents, ne reste alors que la fuite ?

Habitué aux BD d’humour volontiers absurde (De rien), Geoffroy Monde surprend en se lançant dans une saga de science-fiction prévue en, au moins, 3 tomes. Et surtout, il intrigue et impressionne. En effet, il construit ici un monde sur un séduisant paradoxe : esthétiquement limpide et doux, cet univers évolue sur un rythme funèbre, cadencé par les apparitions fantomatiques de géants éclatants mais mortifères. Tout peut basculer d’un moment à l’autre, et cela se lit aussi sur les corps : les hommes se tailladent la peau, augmentent leurs capacités corporelles au prix d’importants sacrifices ; deux enfants essaient d’entrer en contact avec un intrigant peuple de la forêt… Ce lien entre humains en plein doute et nature bouleversée est donc au centre d’un scénario ambitieux, dont le mystère prend encore une nouvelle ampleur lors des dernières pages de ce tome. Graphiquement, avec un trait proche de celui de Timothé Le Boucher mais en plus affirmé, Geoffroy Monde travaille la couleur et les aplats comme une matière vivante et lumineuse, et l’ensemble est cohérent et attractif. Au final, ce volume liminaire augure d’une belle oeuvre de science-fiction, pas si éloignée du travail de Frederik Peeters (Aâma, Pachyderme…) mais résolument originale.