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Pozla, corps à corps avec Crohn

26 octobre 2015 |

pozla_autoportraitD’aussi loin qu’il se souvienne, il a “toujours eu mal au bide”. Pozla a subi dix années d’errance médicale, de suspicion de cas psychosomatique, avant qu’on lui diagnostique une maladie de Crohn. Ce street artist touche-à-tout (il a coréalisé la deuxième saison de la série animée Lascars, publie la BD Monkey Bizness avec El Diablo) dessine son calvaire dans l’épatant Carnet de santé foireuse. Il raconte comment, par l’art, il a oublié la douleur, et reconquis son propre corps.

Qu’est-ce que la maladie de Crohn ?

Une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, auto-immune. Cela signifie que votre système immunitaire se retourne contre vous, en créant des inflammations ou des abcès, il vous grignote petit à petit.

Connaissiez-vous cette pathologie avant qu’elle vous soit diagnostiquée ?

J’en avais entendu parler. Vu l’ampleur que mes douleurs au ventre prenaient, j’avais cherché des pistes sur Internet. Ma femme avait même mentionné Crohn auprès d’un médecin, qui avait balayé cette supposition d’un revers de main… C’est une maladie autrefois rare, qui se répand. Pas étonnant quand on se penche sur notre qualité de vie et ce que l’on mange !

C’est-à-dire ?

La maladie de Crohn est très présente dans les pays industrialisés – on trouve le plus grand nombre d’occurrences au Canada. Comme je ne suis pas médecin, je risque de faire quelques raccourcis… mais les causes sont multi-factorielles : à la fois génétiques et environnementales, et avec une part d’inconnues.

Au cours de votre traitement, vous avez cherché des solutions autres que celles préconisées par les médecins qui vous suivaient…

Oui, car en prenant seulement les pilules qu’ils me prescrivaient, mes progrès n’étaient pas suffisants. J’ai cherché des techniques de relaxation, qui m’ont permis de mieux gérer mes maux de ventre, le stress, la fatigue, l’envie d’aller aux toilettes. J’utilise ces outils tous les jours ! Par ailleurs, cela m’a permis de me réapproprier mon corps, après avoir maigri de 15 kilos. J’ai aussi remis en question mon alimentation : j’ai adopté avec succès le régime ancestral, sans gluten ni laitages, additifs ou aliments modifiés, avec peu de viande, et une cuisson à basse température.

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pozla_2Durant votre hospitalisation, pourquoi vous mettre à dessiner l’état de vos intestins ?

J’avais pris un carnet pour tuer le temps. Mais sur place, dessiner est devenue une nécessité:  c’était un exutoire, une façon de me focaliser sur autre chose que la douleur. J’ai fait beaucoup de hachures, ce qui m’a permis d’entrer dans une sorte de transe méditative – un anti-douleur puissant ! Certains colorient leur mandala en art-thérapie, moi je représente des boyaux… Cela m’a aidé à transformer mon mal-être en satisfaction.

À ce moment, pensiez-vous tirer un livre de cette expérience ?

Pas du tout. Un jour, après l’opération, je montre mon carnet à ma gastro-entérologue. Elle le feuillette longuement. Et je comprends alors qu’elle vient d’entrevoir ce que j’ai vécu. Elle m’a expliqué que j’avais été victime d’erreurs médicales, que je n’aurais pas dû subir tout ce parcours. Cela a été un moment charnière pour moi : j’ai saisi que le dessin me permettait de partager des sensations, des sentiments.

Quel type de témoignage vouliez-vous apporter ?

Je ne voulais pas faire une tribune dénonçant les aberrations du corps médical — à l’hôpital, je suis tombé sur des cons, mais aussi sur des gens formidables. Adopter un ton humoristique était une évidence : quand est une loque humaine, autant en rire, se dessiner en rat mouillé ou en canard…

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Comment avez-vous mûri ce Carnet de santé foireuse ?

Il m’a fallu deux ans. J’ai d’abord présenté le projet à Ankama, mon éditeur habituel, mais il ne collait pas à sa ligne. Mon ami Jean-Christophe Chauzy m’a aiguillé vers Les Rêveurs. Je leur ai proposé le contenu de mon carnet, avec quelques pages de contextualisation. Nicolas Lebedel et Manu Larcenet ont demandé à en voir plus, ils m’ont titillé, poussé à chercher comment je pouvais raconter les choses. J’ai travaillé sur l’introduction, qui a rapidement occupé… quarante pages. pozla_pommeLe livre a finalement intéressé Delcourt. J’ai fouillé ma mémoire, creusé ce qui allait être intéressant, identifié les moments sujets à ellipse ou métaphore — par exemple, pour figurer l’errance médicale, une pomme qui pourrit. J’ai recoupé les informations de ma mère et de ma femme, souvent présentes, alors que j’avais zappé pas mal de choses. Ça a parfois été pénible, j’ai retrouvé une sensation de douleur, de malaise. J’ai mis quinze mois à réaliser l’ensemble du bouquin, de façon plutôt fluide. Les rares fois où je me sentais bloqué, je sombrais dans un gouffre sans fond, me demandais qui ça allait intéresser, et paniquais de me dévoiler autant – c’est vraiment intime, je me fous à poil en quelque sorte !

Avez-vous été rassuré, depuis la sortie de l’album ?

J’ai de formidables réactions, alors que c’est une histoire d’une banalité affligeante, finalement… Pas mal de médecins viennent en signature, les malades l’offre à leurs proches pour leur faire comprendre ce qu’ils traversent. Ce livre aide à briser le tabou du caca [la maladie de Crohn provoque des diarrhées fortes, ndlr] — je ne comprends pas qu’on en parle si difficilement, alors que c’est si naturel !

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Quels outils avez-vous utilisé pour dessiner ?

pozla_uneDans mon carnet, un stylo feutre noir ou couleur, un peu d’aquarelle. Pour le récit, j’ai hésité à utiliser un ordinateur pour obtenir un meilleur rendement, car j’avais beaucoup de pages à faire. Mais j’ai choisi de garder un rapport fort au papier, qui m’avait tellement aidé à l’hôpital. Je me suis donc transformé en gratte-papier… Heureusement, une bourse du Centre national du Livre m’a offert davantage de temps à y consacrer. J’ai tout de même renoncé à la mise en couleurs que je désirais pour toutes les planches. Finalement, le noir et blanc fonctionne.

Quelles sont vos influences graphiques ?

On m’a parlé des Idées noires de Franquin – je les ai beaucoup lues quand j’étais petit –, mais c’est inconscient. Je n’ai pas essayé de m’inspirer de quoi que ce soit, je cherchais un dessin-écriture, qui me permettait d’aller vite et tirait sur la hachure pour rester en lien avec le contenu de mon carnet. J’ai soigneusement évité de lire des livres parlant du corps ou de la maladie, comme Journal d’un corps de Daniel Pennac, illustré par Manu Larcenet, ou Quand vous pensiez que j’étais mort de Matthieu Blanchin, pour ne pas être influencé. Je dois beaucoup au trait de Paul Klee, en découvrant son oeuvre j’ai eu le sentiment de voir réunis le dessin et le graffiti.

Quels sont vos projets ?
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Je dessine le troisième et dernier épisode de Monkey bizness — il y a par ailleurs un projet de  adapté de cette trilogie. Depuis Carnet de santé foireuse, je me dis que je peux être seul à la barre d’une BD, ça me donne confiance. Je vais donc continuer les albums, en alternant avec l’animation, pour renflouer mes caisses…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Carnet de santé foireuse
Par Pozla.
Delcourt, 34,95€, le 9 septembre 2015.

Images © Delcourt.

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Commentaires

  1. fabre

    bonsoir , j ai la maladie de crohn depuis 16 ans , pas de douleures , mais évidement ma deuxième pièce préférer son les wc , je fini parfois mes repas dessus , j aimerais vivre mieux , cela m handicape de plus en plus , (pas de travail,affaiblie,anémie,perte de poids , fatiguée)
    Merci beaucoup

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