Prendre refuge
Bobo berlinois dont la vie semble un peu creuse, Karsten se fait chambrer par ses amis, et se passionne pour un roman graphique autour du voyage en Afghanistan d’archéologue – femmes -, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Ces héroïnes modernes contemplent des statues qui seront détruites au nom de l’Islam au tout début du siècle suivant.
Lors d’une kermesse, Karsten rencontre Nayla, réfugiée syrienne, docteure en astronomie, ex enseignante. Elle s’exprime dans un allemand à la fois complexe à décrypter et infiniment poétique, qui traduit son mal du pays, sa difficulté à se sentir chez elle en Allemagne. Séduit, le jeune homme lui donne des cours et découvre l’arabe, en même temps qu’une relation amoureuse se développe entre eux.
On attendait beaucoup de cette collaboration de Zeina Abirached – dont on avait beaucoup aimé Le Jeu des hirondelles ou encore Le Piano oriental – et l’écrivain Mathias Enard, prix Goncourt 2015 pour Boussole. Certes, le dessin, gorgé de motifs, ne déçoit pas : l’autrice manie aisément le noir et blanc, charge ses pages sans les rendre illisibles, crée des rythmes et des sons qui servent le propos. Mais celui-là même, justement, est un peu poussif. Prises individuellement, les deux intrigues auraient pu captiver. Mais en incluant dans l’histoire de Karsten et Nayla celles d’archéologues en avance sur leur temps, le scénariste brise la fluidité du récit, éteint sa tension dramatique. Avec ce parallèle trop artificiel, on reste sur sa faim, nourri trop légèrement d’une romance qui aurait pu autrement bouleverser son lecteur.
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