Profession du père
Un père sévère s’invente une vie d’agent secret dans laquelle il enrôle son fils. Violent envers celui-ci, il l’entraîne physiquement la nuit et lui donne des missions. Crédule, son garçon se prend inévitablement au jeu, y croyant dur comme fer. Au point qu’à l’arrivée d’un nouvel élève algérien dans sa classe, il lui propose de le rejoindre dans l’OAS (Organisation de l’armée secrète, pro Algérie française).
Ce récit d’un papa qui dévalorise constamment son fils, l’endoctrine et le hante, même une fois parti de la maison, est l’adaptation du roman autobiographique éponyme de Sorj Chalandon, par Sébastien Gnaedig. Par petits chapitres qui reviennent sur les faits marquants de cette histoire et construisent une ligne temporelle discontinue, mais logique, on suit la montée en puissance de la mythomanie du père et de l’endoctrinement du fils. Cet enfant qui délaisse l’école, s’investit à fond dans son rôle fictif au sein de l’OAS et devient même à son tour mythomane en donnant des ordres à son camarade.
Dans cette comédie tragique à la sensibilité à fleur de peau, le dessin charbonneux et rond au style délibérément daté colle bien à l’époque des faits racontés : l’après-guerre. Sans violence exacerbée, beaucoup de choses se lisent entre les lignes grâce à une narration fine remplie de non-dits. Avec pudeur, retenue, humour, dérision et prise de distance, le ton réaliste et décalé permet de traiter de sujets graves sans emphase.
Une bande dessinée à la mise en scène sobre qui contraste intelligemment avec le propos et qui dérange autant qu’elle fascine. Juste, forte et bouleversante, cette histoire remue jusqu’à sa fin grinçante.
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