Les femmes pirates n’en finissent pas de fasciner, à mesure qu’on redécouvre leur présence longtemps passée sous silence parmi les équipages qui sillonnaient les mers et océans à l’époque moderne. En témoigne l’intérêt qui ne faiblit pas pour la figure réelle Anne Bonny (voir l’excellent podcast qui lui est consacré chez Arte, et que Le Lombard a adapté en BD).

Monday Ryan, la Pyrate Queen de Peter Milligan et Adam Pollina, relève de la pure fiction et tient même quasiment de la super-héroïne. Très remontée contre les militaires anglais qui ont pendu son mari au mât de leur navire, elle va leur faire la chasse sur toutes les eaux et dans tous les comptoirs des Caraïbes au point de devenir leur pire cauchemar. Un ange vengeur enceinte, qui rappelle la mariée en robe blanche de Tarantino dans Kill Bill.

En réalité, c’est à un autre film du réalisateur que l’on pense : Django Unchained. Avec son méchant très très méchant (le sadique officier Napier qui fait abattre des mutins au canon, à bout portant !) et son héroïne très en avance sur son temps avec ses idéaux d’égalité et de tolérance, Pyrate Queen se fiche de la véracité historique. Poussée par un instinct de mort au moins aussi fort que son instinct de vie (le suspense un peu pénible de l’accouchement inopiné…), Monday ne vit que pour semer le chaos et le fait avec une rage cathartique communicative.

Peter Milligan, légendaire scénariste britannique qu’on croyait un peu cramé (voir les médiocres Tomorrow ou Out of Body), trouve dans ce personnage une seconde jeunesse et livre une de ses meilleures BD depuis des lustres. Mais ceux qui tirent vraiment leur épingle du jeu, ce sont Adam Pollina et sa coloriste Tamra Bonvillain. Aussi à l’aise sur les mers que sur terre, ils esquissent une balade caribéenne d’une beauté à couper le souffle auquel le grand format européen choisi par Bliss apporte une vraie profondeur. C’est devenu un nouveau standard pour publier en France les meilleures productions américaines. On s’en réjouit. Dans Pyrate Queen, coquetterie, on parle de pyraterie. Alors qu’il en soit ainsi pour le mot de la fin : formydable !