Que valent les nouvelles BD d’Hermann, Grand Prix d’Angoulême 2016 ?
Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême s’ouvrira jeudi prochain, avec Hermann pour président de cette 44e édition. Élu Grand Prix l’an dernier, le Belge sera honoré par une exposition. Mais à 78 ans, il demeure un auteur très actif. Il a sorti à l’automne Le Passeur chez Aire Libre, et publiera pour Angoulême le premier tome d’une nouvelle série, Duke.
Le Passeur est un one-shot de SF post-apocalyptique. On y suit un couple à la recherche d’un lieu identifié sur une carte, et d’un espoir de survie. De désillusions en coups du sort, ils vont devenir le jouet d’un destin qui les dépasse.
Comme nombre des albums d’Hermann, cette histoire est signée de son propre fils, Yves H.. Une histoire sombre, violente et sans espoir, comme on en lit pas si souvent. Ou plus si souvent. Car, malgré une vraie modernité dans le rythme et les enjeux émotionnels, le scénario en lui-même sent un peu trop les années 80. Au-delà d’une outrance pas forcément nécessaire dans le sordide, on a l’impression d’avoir déjà rencontré ces personnages, connu ces situations, à tel point que la fin est assez prévisible.
Côté dessin, Hermann lorgne du côté du Bilal de Partie de chasse, en jouant sur des nuances de gris traversées de vapeurs spectrales et de couleurs flashy, instillant le fantastique dans le road-movie poisseux. Cela fonctionne très bien, mais là encore, l’impression de déjà-vu se fait jour. Dommage, car techniquement, c’est du travail d’orfèvre.
Dupuis/Aire Libre, 15,50 €, novembre 2016.
Spécialiste des récits de genre, Hermann s’est beaucoup illustré dans le western, avec la série Comanche notamment. À nouveau avec Yves H., qui avait déjà scénarisé le western Sans pardon, il se lance dans une nouvelle série, Duke. Le personnage titre est l’adjoint d’un marshal, fine gâchette pourchassant une bande de criminels sanguinaires dans le Colorado de 1866. Mais la succession des événements, et ses propres erreurs, vont ébranler sa foi dans son métier.
Hyper classique, le scénario d’Yves H. ronronne très vite. Les confrontations et poursuites s’enchaînent mollement, même pas dopées par des rebondissements mille fois lus et des dialogues poussifs. Pas facile, c’est vrai, d’apporter encore de la modernité dans le genre surexploité du western, mais là, aucune originalité ne vient jaillir.
Graphiquement, Hermann est au top. Et peut-être même un peu trop. Car le maître en aquarelle, à l’aise tant dans les extérieurs nuits que dans les intérieurs éclairés, a tendance à surcharger ses cases – et surtout les visages – de matières et de textures. Le dessinateur François Boucq, dans le dossier de presse de l’album, analyse le dessin selon les quatre éléments et constate qu’Hermann est assurément un dessinateur de feu, mais aussi d’eau pour son côté souple, et de terre pour donner chair à ses personnages. Mais il note aussi : « Ce qui lui manque actuellement, c’est un travail sur l’air ; libérer de l’espace, faire respirer les cases. Mais Hermann est un boulimique du dessin, et il a besoin d’être rassasié! » Cet appétit nuit à ses planches qui finissent par être lourdes et suffocantes. Pas de quoi, du coup, renforcer l’intérêt pour ce début de saga.
Le Lombard, 14,45 €, 27 janvier 2016.
Publiez un commentaire