Que vaut le retour de Donjon ?
C’est le coup éditorial le plus marquant de cette rentrée BD : le retour de Donjon, la série culte de Joann Sfar et Lewis Trondheim. Mais était-ce vraiment la peine de relancer la machine ?
Il y a six ans, Lewis Trondheim et Joann Sfar refermaient les portes du Donjon, avec deux albums dessinés par Mazan et Alfred. Le point qu’on pensait final d’une épopée majeure pour toute une génération de lecteurs, 36 albums en quinze ans et un ton unique. « Ce n’est pas si souvent dans la bande dessinée qu’une série aussi longue prend vraiment fin. Rien que ça, je trouve que c’est quand même la classe », concluait Lewis Trondheim lors d’une interview qu’il nous donnait à l’époque. Mais les sentences définitives sont faites pour être enterrées et les promesses oubliées. Et parfois, c’est même une sacrée bonne nouvelle.
Car répondons immédiatement à la question du titre : oui, le retour de Donjon est réussi. Avec quelques nuances, peut-être, mais il est globalement enthousiasmant. En effet, les deux albums parus en ce mois de janvier – sur cinq annoncés en 2020 – parviennent à la fois à satisfaire les fans de la première heure qui avaient eu de la peine à faire le deuil de cette saga originale, et à relancer la machine sur de nouvelles ambitions. Même si on doute que cela suffira à convaincre massivement de nouveaux lecteurs de se lancer dans la saga.
Ainsi, Boulet se remet à la série « Zénith », qui narre « l’apogée du Donjon », presque comme s’il ne s’était jamais arrêté. On retrouve dans Hors des remparts les deux héros Herbert et Marvin, en mission pour que le maître du Donjon récupère sa propriété. Tout en gérant leurs amours. Vannes qui claquent, idylles maladroites, bagarres spectaculaires, magie terrifiante… Tout le sel de Donjon est là, intact : Sfar et Trondheim récupèrent même une certaine fraîcheur de scénario – même pas la peine de relire les tomes précédents, on est happé par l’histoire – et Boulet met sa ligne sûre et flexible au service de l’aventure.
La principale innovation – et heureusement qu’il y en a une, dans cette relance de la saga – est l’ouverture d’une nouvelle sous-série, un nouvel âge du Donjon. Dans « Antipodes – », on recule de 10000 tomes et on découvre le monde d’avant, déchiré par des guerres entre orcs et elfes. Tellement avant Donjon que tout est possible. Et l’on suit, dans un volume dessiné par Grégory Panaccione (L’Armée du crâne, qui connaîtra une suite), deux chiens en quête de maîtres. L’auteur de Un été sans maman et Chronosquad s’en sort admirablement bien pour croquer cette pérégrination étonnante d’un duo presque classique – un gros bagarreur pas malin et un érudit peureux – dans un monde violent et magique. Le ton est bien celui de Donjon, mais les enjeux et le contexte paraissent bien différents. Et c’est tant mieux, un vent frais – même s’il porte ici le funeste parfum des cadavres d’une guerre sans fin – semble idéal pour redynamiser la série.
Enfin, dernières bonnes nouvelles criées depuis le haut du Donjon : l’annonce des prochains albums à paraître. Dès mai, c’est la période « Potron-Minet », la plus médiévale et romantique de l’univers (initiée en son temps, et superbement, par Christophe Blain), qui redémarre, sous le pinceau de Stéphane Oiry (Maggy Garrisson), avec un album baptisé Survivre aujourd’hui (niveau -82). Puis, au second semestre, Alexis Nesme offrira une aventure plus légère dans la période humoristique « Parade », Garderie pour petiots, tandis que Vince ouvrira la période « Antipodes + », soit le tome 10000 de la saga, intitulé Rubéus Kahn. Vite vite !
__________________________
Donjon Zénith #7.
Par Boulet, Lewis Trondheim et Joann Sfar.
Donjon Antipodes – 10000.
Par Grégory Panaccione, Lewis Trondheim et Joann Sfar.
Delcourt, 48 p., 11,95 €, janvier 2020.
__________________________
Publiez un commentaire