Quelques one-shot manga pour la rentrée
Après vous avoir présenté deux premières sélections de one-shot pendant l’été (1, 2), en voilà une dernière pour la rentrée. Dans celle-ci, vous trouverez 5 titres de 5 maîtres du manga.
Chiisako garden
Il y a des mangakas qui marquent les lecteurs au fer rouge. Yuki Kodama en fait partie. Tous ceux qui ont lu Kids on the slope le savent et attendent depuis 5 ans son retour en librairie. Avec ce one-shot composé de 5 histoires courtes, la mangaka dévoile le monde des Chiisakos, petites créatures qu’il est possible d’apercevoir à certains moments de notre vie. À la fois indépendantes et liées par les Chiisakos, ces histoires s’enrichissent l’une l’autre et ont de quoi plaire à un large lectorat. Poétiques, sentimentales, bienveillantes, douces, mignonnes, d’une grande subtilité et d’un incroyable charme envoûtant, elles traitent de la vie autour de thématiques fortes et universelles : l’enfance, l’amour, la mort, la nature. L’autrice stupéfait par sa gestion fine et sincère des sentiments. Elle atteint notre cœur avec une telle sagacité que c’en est bluffant. Sa ligne claire et ses planches épurées sont d’une grande élégance. Remplie d’émotions que l’on prendra plaisir à partager, cette lecture est tout simplement l’une des plus belles et émouvantes de l’année. Fait inattendu, un nouveau chapitre vient tout juste de paraître au Japon, on croise les doigts pour que ce soit le premier d’une très longue série !
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Scénario et dessin : Yuki Kodama
Traduction : Ryoko Akiyama
Éditeur : Vega
Prix : 8 €
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Les Fleurs rouges
On les a attendues pendant longtemps, très longtemps, les œuvres de Yoshiharu Tsuge. On vous en a déjà parlé, et ce n’est pas fini, car le festival d’Angoulême prépare une exposition et un catalogue autour du travail du mangaka ! Premier tome d’une anthologie prévue en sept opus, Les Fleurs rouges montre toute une palette florissante du travail du mangaka. Nous sommes ici face à un recueil qui regroupe des histoires courtes publiées par Tsuge entre 1967 et 1968. De retour après une pause ressourçante d’une année durant laquelle il fut notamment assistant de Shigeru Mizuki (NonNonBâ, Opération Mort, Kitaro le repoussant…), l’auteur délaisse le divertissement pour laisser place à des œuvres plus personnelles. Son trait s’est affiné et ses histoires marquent le lectorat du magazine Garo. Ainsi après trois histoires sombres dans la veine de celles de Yoshihiro Tatsumi (Une vie dans les marges, Cette ville te tuera, Rien ne fera venir le jour…), dans le pur style gekiga, il dévoile une autre facette de son œuvre. Grâce à la traduction méticuleuse et aux apports contextuels de Léopold Dahan, (grand spécialiste du magazine Garo et de l’auteur), les tranches de vie campagnardes et intimistes ainsi que les personnages à la marge de Yoshiharu Tsuge font leur œuvre, plus de 50 ans après leur création. Un deuxième volume sortira le 12 septembre et comportera regroupera des histoires écrites entre 1968 et 1972, dont l’emblématique La Vis (Neji shiki). À ne pas rater !
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Scénario et dessin : Yoshiharu Tsuge
Traduction : Léopold Dahan
Éditeur : Cornélius
Prix : 25,50 €
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La Vie devant toi
Auteur complet depuis toujours, Hideki Arai (The World is mine, Ki-itchi…) s’est laissé charmer par le roman de Taichi Yamada. Lui qu’on connaissait polémique, rustique et brutal dans ses œuvres, nous invite cette fois-ci à une réflexion plus posée, en tout cas moins frontale qu’à l’accoutumée. Sôsuke Nakatsu est un jeune aide-soignant qui décide de démissionner du jour au lendemain. La cause ? La chute apparemment anodine d’une personne âge de sa chaise roulante… Pourquoi ? Pour cela il faudra lire cet ouvrage, car cette histoire prépubliée dans le tristement disparu magazine Ikki (Blessures nocturnes, La Cité Saturne, Les Enfants de la mer, Goyô…) est d’une grande richesse sociale, humaine et émotionnelle. Cet épais one-shot présente 3 personnages et 3 parcours de vie et en profite pour donner une vision réaliste sans fard de notre monde moderne écrasant dans le même temps jeunesse et troisième âge. À noter que le récit est accompagné de la retranscription éclairante d’une rencontre entre Hideki Arai et Taichi Yamada. On y comprend notamment pourquoi le mangaka remet en question ses précédents engagements. Un ouvrage fort et contemporain, à mettre en parallèle avec certains récits de La Virginité passé 30 ans, souffrances et désirs au quotidien.
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Scénario : Hideki Arai d’après le roman de Taichi Yamada
Dessin : Hideki Arai
Traduction : Aurélien Estager
Éditeur : Akata
Prix : 9,95 €
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Errance
À 25 ans, Inio Asano nous avait donné une énorme claque avec Solanin, récit générationnel qui lui permit dans le même temps de prendre son véritable envol en tant que professionnel. Une décennie plus tard, mettant une pause à sa série Dead Dead Demon’s DeDeDeDe Destruction, il écrit Errance. Dans cette histoire, Kaoru Fukazawa, un mangaka, vient de terminer sa série et se retrouve face au syndrome de la page blanche. En pleine crise existentielle et créative, ce trentenaire se questionne beaucoup sur lui-même, son métier et le sens que tout cela a. Ouvertement semi-autobiographique, ce one-shot qui capte l’air du temps est un peu le pendant de son premier chef-d’œuvre, côté trentenaire cette fois-ci (Inio Asano, aura 40 ans l’an prochain, il n’y a pas de hasard…). Outre l’analyse sociale et le traitement subtil et profond des personnages à mettre en miroir avec ce dernier, ce volume est aussi l’occasion de se pencher sur les progrès graphiques frappants de l’auteur. Si les arrières plans d’alors, déjà photographiques, impressionnaient et marquaient une différence flagrante avec la production mainstream de ses confrères, ceux de ce volume sont d’un tout autre niveau. Tant les deux œuvres se répondent, les éditions Kana ont eu la riche idée de rééditer Solanin en format intégral (et augmenté d’une histoire inédite) à l’occasion de la parution d’Errance… Deux histoires, deux portraits d’une génération, à (re)lire en parallèle.
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Scénario et dessin : Inio Asano
Traduction : Thibaud Desbief
Éditeur : Kana
Prix : 15 €
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Éveil
On vous en parlait dans la chronique de Ping Pong, la venue de Taiyô Matsumoto en France a permis la réédition de titres qui n’étaient plus présents dans nos librairies depuis des années. Les éditions Kana ont ainsi réédité Number 5 sous forme de deux intégrales, mais aussi sorti deux inédits : Le Rêve de mon père et Éveil. Intéressons-nous à ce dernier : récit court édité en grand format, en sens français et avec une jaquette exclusivement dessinée pour la France, ce one-shot est une rareté dans le parcours du maître. D’abord écrite dans le but d’être un support à une pièce de théâtre, cette histoire est finalement ressortie en version reliée. Et on ne peut que s’en réjouir ! Les images somptueuses de l’auteur jouent beaucoup avec le contraste. Et, un peu comme dans Number 5, série qu’il écrira par la suite, l’aura de Moebius plane sur les planches, sans les hanter cette fois-ci. Ce one-shot met en scène des artistes (des danseurs) et des artisans (des sculpteurs de masques), tous deux intimement liés, car dépendants les uns des autres. Il y aborde en filigrane les questions de l’héritage, du don, du savoir, de la tradition, des rites… Écrit comme un conte à libre interprétation, ce one-shot fascine et interpelle. À lire et à relire… mais aussi à contempler.
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Scénario et dessin : Taiyô Matsumoto
Traduction : Thibaud Desbief
Éditeur : Kana
Prix : 18 €
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septembre 9, 2019
Errance est un très bon one shot sur la descente aux enfers d’un mangaka qui se retrouve avec le fameux syndrome de la page blanche.
J’avoue que je ne connais pas Chiisako Garden, mais le graphisme à la « Arrietty » et le côté mignonnet me tentent.
Et il faudrait que je lise Eveil un de ces jours, il est dans ma PAL depuis janvier! -
septembre 9, 2019
Rémi I.Deux bonnes lectures vous attendent Juju Gribouille !
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