Ragemoor
« Démon de pierre » irrigué de sang païen et habité par le Mal, le château de Ragemoor a tout du piège maudit. Ses occupants vont en faire la terrible expérience. À commencer par Herbert, le maître du château, son père, un ermite dénudé entouré de babouins, et Bodrick, le majordome retors. Mais tout bascule vraiment le jour où un oncle et sa fille débarquent à l’improviste aux portes de l’enfer…
Rare par ses publications dans l’Hexagone mais remis au goût du jour par les impeccables éditions Delirium, l’auteur culte Richard Corben, au dessin ici, revient avec un récit d’épouvante directement inspiré des œuvres d’Edgar Poe et H.P. Lovecraft, voire de Woody Allen dans le registre de l’homme obsédé par une femme inaccessible. Dans ce récit publié en 2012 sous forme de quatre chapitres, c’est la forteresse aux mille secrets qui est la véritable star. Rendue vivante par les effets de son aura, Ragemoor fascine, oppresse et aliène ceux qui tentent de la comprendre ou d’y survivre. Les personnages, alors jouets pitoyables de forces supérieures ou simples caisses de résonance figées dans une folie rampante, tentent d’éviter la mort, pris au piège de babouins ou d’avatars « innommables ».
Si le scénario de Jan Strnad respecte parfaitement les codes du genre et ménage une belle tension en lui ajoutant même une touche d’humour (noir, forcément !), c’est bien le dessin en noir et blanc de Richard Corben, maître de l’horreur, qui lui confère souffle et mystère. Par ses encrages puissants, ses effets visuels, son imagination sans fin, ses disproportions calculées, ses nuances, sans oublier une froide et clinique expressivité des visages. Ragemoor, au final hanté, est donc un récit de genre maîtrisé, porté par les ambiances macabres et effrayantes d’un Corben des grands jours. Les fans du dessinateur se sont déjà jetés dessus, les autres, ceux qui veulent se faire peur, trouveront là une BD idéale. Un classique en puissance.
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