Rapport 2011 de l’ACBD: toujours plus de BD, mais à quoi bon?
Comme chaque année, l’ACBD (Association des critiques et journalistes de bande dessinée) publie son rapport sur « une année de bandes dessinées sur le territoire francophone européen ». Résultat 2011 : la production continue d’augmenter, mais les conditions économiques du secteur (principalement des auteurs) sont de plus en plus tendues.
Déjà l’an dernier, Gilles Ratier pointait le tassement du marché de la BD en France et sur le marché francophone. Tout en constatant une augmentation générale de la production, phénomène encore remarqué en 2011, « pour la 16e année consécutive ». Bilan en chiffres : selon le recensement de l’ACBD, 5 327 livres de bande dessinée ont été publiés en 2011 (+3,04% par rapport à 2010, alors que la progression dépassait les +5% l’année précédente), dont 3 841 strictes nouveautés (chiffre stable), 1058 rééditions (en nette hausse), 339 artbooks, et 89 livres sur la BD. Le manga et autres séries asiatiques se stabilisent autour de 40% de la production de nouveautés et les comics à un peu moins de 8%.
Le rapport de l’ACBD relève par ailleurs qu’avec la prise de participation majoritaire dans les éditions Soleil, le « groupe » Delcourt devient le plus gros producteur d’albums, avec 840 titres en 2011, tous labels confondus (Delcourt, Akata, Tonkam, Soleil, Soleil manga, Quadrants). Et se hisse à la deuxième place en termes de parts de ventes (16,5%), derrière Média Participations (qui totalise, avec Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Kana, et autres filiales, plus de 30% de parts de marché), mais devant Glénat (15,1%) et Flammarion (7,9%). Mais il faut noter que Delcourt/Soleil ne compte que 6 albums dans le top 50 des plus gros tirages (hors mangas), classement dominé par Média Participations (19 titres) et Flammarion (via Casterman et Jungle, 14 titres, dont un bon paquet de Simpson…).
Outre l’expansion et le succès du secteur patrimonial et la diminution du nombre de locomotives commerciales, on constate donc que 2011 s’est inscrite dans la continuité de 2010. Avec une concentration des groupes d’édition, des licences étrangères qui fonctionnent bien, des tirages moyens qui baissent et une économie de la BD numérique encore inexistante, du moins à large échelle.
Et Gilles Ratier de souligner que « seuls 1487 auteurs réussissent à vivre, souvent difficilement, de la création de bande dessinée », alors qu’ils ont été plus de 1700 à publier au moins un album en 2011. Un triste bilan à mettre en parallèle avec ce récent article de La Charente Libre, dans lequel les auteurs pointent notamment la chute des tirages et des avances sur droits. De 15000 € il y a 10 ans, elles peuvent descendre jusqu’à 5000 € aujourd’hui, glisse Bruno Maïorana. Autre exemple, Isabelle Dethan dit ne pas savoir à combien a été tiré son récent Les Ombres du Styx et se plaint d’avoir vu son revenu divisé par deux rapport au début des années 2000. De son côté, Turf avoue avoir du mal à joindre les deux bouts et révèle que le premier tirage de son Magasin sexuel a été vite épuisé, mais que la réimpression a tellement tardé qu’il a dû annuler des dédicaces, le retirage ne trouvant plus sa place dans le flot incessant des nouveautés… On notera, sans malice aucune, que ces auteurs inquiets interrogés ici ont pour point commun, outre d’être Angoumoisins, d’être publiés par Delcourt, éditeur le plus dynamique et gourmand de ces dernières années…
Publiez un commentaire