Ratures indélébiles
Juliette entre en 4e et ne perçoit pas tout de suite ce qui a changé. Les profs sont les mêmes, les cours pas toujours passionnants, mais ses copines sont toujours là, dont son inséparable Mathilde. Mais cette dernière est de plus en plus intéressée par les garçons, notamment le beau Thomas, et il semble que ce soit réciproque. Moins mature que son amie, Juliette la voit s’éloigner et se rapprocher d’un groupe plus « populaire ». Et commence à se faire moquer, elle qui complexe car elle n’a encore ni poitrine, ni ses règles. Jusqu’à ce qu’elle se fasse humilier dans les vestiaires sans que personne ne bronche, et qu’une photo d’elle dénudée se mette à circuler sur les réseaux sociaux. Le harcèlement commence et Juliette, qui n’ose en parler, s’enfonce dans la dépression.
Ce roman graphique, inspiré de témoignages recueillis par sa scénariste du temps où elle était enseignante, brosse avec réalisme et sans détour la naissance et le développement d’une situation de harcèlement. Lors d’un des nombreux instants de vulnérabilité de l’adolescence, on peut se laisser prendre, moquer, bousculer, et malgré des protestations ou un mépris affiché, la situation peut s’envenimer. Notamment par la puissance des réseaux sociaux, chambre d’écho non maîtrisable qui transforme les couloirs du collège en arène sacrificielle quotidienne. Juliette en est ici victime, et on la voit se débattre contre un ennemi invisible, la pression des uns et l’absence de réaction des autres. Bien mené, le récit montre parfaitement cette spirale terrible, et saura toucher la sensibilité des jeunes lectrices et lecteurs ainsi que de leurs parents.
Devant le message important – il faut toujours parler aux adultes de ces situations, même dans le doute –, on pardonnera les quelques raccourcis scénaristiques (la question de la scarification addictive de Juliette est mal exposée) et une mise en couleurs violacée pas très subtile. Car le récit d’Aurelle Gaillard porté par le dessin efficace de Camille K. (Les Enfants trinquent) sonne juste et se révèle plus que nécessaire.
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