Redneck #1
Au sein du bestiaire horrifique traditionnel, le vampire fait en général figure d’aristocrate. Dracula est un comte, Lestat un riche propriétaire… Des monstres sanguinaires OK, mais dotés d’une certaine classe. Dans Redneck, c’est exactement le contraire. Le scénariste Donny Cates imagine un clan ancestral de suceurs de sang ayant choisi de poser ses valises au fin fond du Texas. Des bouseux à casquette et chemise de bûcheron, pas dénués pour autant d’éducation. Jugez plutôt : le chef JV a mis tout le monde au régime sec et a fait de ses mômes des quasi-vegans. Quasi. Chez les Bowman, on boit du sang, mais exclusivement de vache. La famille tient un restau de grillades et élève ses bêtes sur la ferme, en la jouant profil bas auprès des locaux après des siècles de persécution. Malheureusement, après une banale sortie en ville des petits derniers de la famille (60 ans tout de même mais l’allure encore juvénile), tout dérape et l’ombre du massacre revient planer sur les Bowman. Cette fois, c’est l’oncle, Bartlett, qui va s’y coller pour tenter de sauver ce qui est encore sauvable, sur fond de conflit des générations avec un aïeul revanchard.
Joli personnage eastwoodien que ce Bartlett, vampire moustachu bourru mais droit, qui fait songer au personnage principal de Southern Bastards à ses débuts. On pense d’ailleurs beaucoup à la série de Jason Aaaron et Jason Latour en lisant Redneck, notamment parce qu’on devine chez son scénariste, né à Austin et y vivant toujours, la même empathie mêlée de défiance pour ce Sud américain et ses autochtones si prompts à dégainer leurs armes et à renouer avec la tradition des lynchages. Et puis le dessin toujours aussi brut de l’Argentin Lisandro Estherren, déjà à l’oeuvre sur The Last Contract, fait écho au style adopté par Latour pour croquer la violence de ces visages et paysages, ici baignés de pénombre (l’action forcément se passe peu à la lumière du jour). Redneck est à l’arrivée moins mordante, c’est un comble, et moins fine dans sa description d’une communauté que Southern Bastards. La série se contente de filer à tambour battant et ce n’est déjà pas si mal, tenant la distance grâce à ses personnages et son concept habilement exploité via notamment des flashbacks façon American Vampire. Dans la postface, Cates promet du sang pour la suite. On prend.
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