Résistances Queer, une histoire des cultures LGBTQI+
Deux jeunes gars parisiens viennent de se rencontrer sur une appli et s’embrassent sous un porche d’immeuble quand ils font connaissance d’un vieux bonhomme haut en couleur. Il se définit lui-même comme une « folle » et invite les jeunes gens à découvrir à travers ses objets accumulés depuis longtemps l’histoire de l’homosexualité contemporaine occidentale. Le trio ainsi constitué dresse un tableau exhaustif de l’évolution de l’histoire LGBTQI+ en France – avec quelques incursions à l’étranger – depuis le XIXème siècle, quand apparait, pour la première fois, sous la plume d’un écrivain hongrois, le terme homosexuel.
Antoine Idier est sociologue, historien et maître de conférences en Science politique. Il est spécialiste de l’histoire de l’homosexualité et des cultures minoritaires. On lui doit notamment un livre-somme, riche en documents, Archives des mouvements LGBT+, mais aussi une biographie du leader du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire), Les vies de Guy Hocquenghem, livre issu de sa thèse d’état dirigé par Didier Eribon. Antoine Idier reprend d’ailleurs dans cette BD documentaire, la question de l’insulte – pédés, gouines, folles, … – autant de mots stigmatisants par lequel l’homosexuel.le entre dans sa vie et qu’il se réapproprie et revendique comme pour mieux dénoncer les phénomènes de domination et d’invisibilisation, comme l’a expliqué Didier Eribon dans Réflexions sur la question Gay.
L’auteur analyse avec pédagogie les discours dominants – médicaux et juridiques – qui fondent les catégorisations de l’homosexualité, à une époque où tout est une histoire de langage et d’objectivisation, et où est vu comme suspect toute tendance à la « porosité » des genres et des sexualités. Puis il insiste aussi sur les figures de la littérature, de la chanson et, plus généralement de la culture, qui invite au développement de comportements et d’identités à travers des lieux et des codes spécifiques, tout un faisceau de références constituant ce que l’on appelle la subculture gay. A travers cette évocation foisonnante, d’autres moments sont abordés : la déportation homosexuelle, l’émergence de mouvements politiques, etc. L’historien n’oublie jamais d’incarner son propos à travers les figures Queer marquantes. Pochep traduit par son trait épais et caricatural les discussions animées entre les trois personnages. Décalé et visant toujours un humour grinçant, l’auteur s’est déjà attaqué au thème de l’homosexualité masculine dans Bulge, une revue détournant les codes de l’homoérotisme. En habitué de La Revue dessinée, et ayant déjà traduit en dessins le propos de l’historien Jérémy Foa dans Sacrées guerres. De Catherine de Médicis à Henri IV, il fait de son trait un véritable médium de vulgarisation scientifique.
En apportant une profondeur historique au sujet, en dépassionnant les débats sans jamais passer à côté des enjeux, Résistances Queer est un ouvrage érudit et abordable. Il traduit aussi tous les récits LGBTQIA+ qui permettent d’appréhender un univers pluriel, parfois conflictuel, qui ne cessent de se réinventer (codes, solidarités, sociabilités) pour non pas seulement vivre mais pour mieux exister.
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