Retour sur Belzagor #1
Eddie Gundersen est de retour à Belzagor, une planète jadis colonisée par les humains. Autrefois cynique colonisateur, l’ex-lieutenant Gundersen revient affronter ses démons 18 ans plus tard : un amour avorté, un ancien supérieur, Kurtz, trafiquant barré, et sa propre image quand il fut chargé de récolter le venin des naggiars, serpents titanesques dont la sève revigore les tissus humains. Aujourd’hui les Nildoror et les Sulidoror, les autochtones de Belzagor, ont repris possession des lieux et métamorphosé l’organisation sociale de la planète. Gundersen, désormais simple guide d’une expérience scientifique, va devoir régler quelques comptes avec son passé…
Retour sur Belzagor, prévu en deux tomes, est l’adaptation par Philippe Thirault (La Mano, Les Enfants sauvés) du roman Les Profondeurs de la Terre, écrit par l’auteur de SF Robert Silverberg et publié en 1970. L’écrivain y abordait des questions post-coloniales. Critiques de l’impérialisme, du destin civilisateur des grandes puissances et d’un racisme sous-jacent nourrissent le propos d’une BD de SF bien troussée. L’altérité s’y déploie sous les traits d’espèces intelligentes (Nildoror et Sulidoror) dominées puis libérées, métaphore à peine déguisée du colonialisme sauvage, les produits exotiques étant remplacés par un précieux venin. Des espèces aux rites d’ailleurs envoûtants, ambiguës dans leur rapport aux colons et à Gundersen.
Sans perdre le lecteur, le récit multiplie les flashbacks et tisse des ambiances originales sous les crayons fins et détaillés de Laura Zuccheri (Les Épées de verre) : forêts luxuriantes teintées de magie, créatures aussi effrayantes qu’intrigantes, visages expressifs, la partie visuelle alimente un monde imaginaire séduisant, soutenu par une intrigue classique mais rythmée. Retour à Belzagor penche immanquablement du côté d’Avatar et des Monde d’Aldébaran de Léo mais aussi d’Apocalypse Now de F.F. Coppola, avec la figure de Kurtz, maître-dieu inquiétant rongé par l’hubris et une cupidité aveuglante. Malgré ses références évidentes, un air de déjà-vu et des scènes de sexe franchement gratuites (car expédiées sans ménagement), l’album conserve de la fraîcheur et surtout divertit, laissant le mystère entier pour le second tome. Un tome d’ouverture globalement réussi.
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