Après avoir croqué des tronches de pirates dans Renégat, Alex Baladi revient chez The Hoochie Coochie avec un western. L’occasion pour lui de dessiner de bonnes têtes de cow-boys, adjoints du shériff ou mère maquerelle. Mais surtout de broder un scénario touffu et nimbé de faux-semblants, qui donne un bon coup de bottes à éperon dans un genre depuis trop longtemps embourbé dans le « crépusculaire ».

On a ici affaire à une histoire de meurtre : un général, abattu dans son sommeil dans une chambre de bordel. Tout accuse un mercenaire, qui ne nie pas, derrière les barreaux d’une geôle poisseuse. Mais il est aussi question d’un braquage de banque, d’une bandes de prostituées louches et d’une instit’ qui ne l’est pas moins. Car dans Revanche, ce sont les femmes qui dégainent les premières et mènent le bal de cette histoire sombre mais savoureuse. Bien qu’elle soit un peu dure à suivre par moments, l’auteur helvète déconstruisant la ligne du temps, sans prévenir, laissant le dessin dicter les enchaînements de séquences.

En effet, l’auteur de Robinson suisse ou Cosy perpétue sa signature narrative faite de cases flottant dans la page, à suivre comme un jeu de l’oie macabre, ou dans une lecture active et mouvante. N’hésitant pas à avancer sur les chemins de la poésie et de l’abstraction, Baladi offre une expérience de bande dessinée inédite et excitante, dans laquelle il faut accepter de se perdre un peu pour être récompensé ensuite. Et de quelle manière. Car ça fait bien longtemps qu’on n’avait pas lu un western aussi original, dans le fond comme dans la forme, toujours irrévocablement liés dans l’oeuvre de l’auteur.