Rien ne fera venir le jour
Trois ans après Cette ville te tuera, les éditions Cornélius publient un deuxième volume de l’anthologie consacrée à Yoshihiro Tatsumi. Ce mangaka est connu pour avoir inventé le gekiga, un genre éloigné des canons du manga de divertissement de l’époque (au tournant des années 1950-60) et qui privilégie les histoires réalistes à la tournure souvent bien sombre. Comme à son habitude, l’auteur centre ses récits sur l’humain, la société et ses travers. Il y aborde des questions sociétales comme l’avortement, la famille, l’abandon, l’amour, le genre, le monde du travail… Ses protagonistes vivent dans les marges et se fichent bien de rentrer dans le conformisme ambiant.
Les 13 histoires courtes qui composent ce recueil de quelque 300 pages ont été publiées entre avril et décembre 1970. Outre l’impressionnant nombre de pages produites en si peu de temps, le plus étonnant est qu’elles furent pour la plupart prépubliées dans des magazines shônen (9 histoires sur 13). Certes, la violence n’est pas toujours frontale dans les récits de Yoshihiro Tatsumi, mais c’est aussi ce qui leur donne toute leur puissance. Devenu maître des mangas courts bien ciselés, l’auteur a réussi à créer des histoires qui fonctionnent toujours aussi bien, près de 50 ans après leur sortie. Si certaines marquent plus que d’autres, elles déroulent toutes des destins noirs et tragiques. Tout comme le dessin qui les dévoile. Épais et net, il se pare de hachures plutôt que de trames et adpote un aspect réaliste et sans chichi.
Après L’Enfer et Une vie dans les marges, on ne peut qu’une nouvelle fois saluer le travail précieux des éditions Cornélius. L’éditeur édite un ouvrage impeccable, s’appuyant autant que possible sur les planches originales d’époque et le soin du détail. Un bel écrin pour ce qui représente les récits les plus aboutis de cette époque. Yoshihiro Tatsumi est l’un des premiers auteurs à traiter de sujets adultes à la manière de ce qu’on appelle aujourd’hui les « romans graphiques » ou mangas / BD « d’auteur ». Faites-lui donc la place qu’il mérite dans votre bibliothèque.
© Yoshihiro Tatsumi / © Cornélius – Traduction : Fusako Saito et Lorane Marois
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